Le temps qui précède la lecture d’un classique de littérature SF est toujours particulier. Nous regardons l’objet avec curiosité, scrutons la couverture, détaillons la quatrième et enfin admirons déjà l’auteur pour sa clairvoyance, son imagination et son sens inné de l’anticipation. Alfred Bester a reçu en 1953 le premier prix Hugo pour avoir commis cette œuvre importante dans la catégorie roman de genre. On pense immédiatement à d’autres auteurs majeurs du mouvement comme G. Orwell ou H.G. Wells. Alors le livre commence à vous brûler entre les doigts, il faut le lire, et vite !

Nous nous retrouvons immédiatement projetés dans un futur lointain. La télépathie n’est plus reléguée au rang d’obscure science parallèle, mais est structurée autour de la puissante Guilde des Extrapers (comprenez personnes bénéficiant de l’extrasensorielle perception). Les principes de l’utilisation de ces pouvoirs sont gravés dans le marbre comme une sorte de serment d’Hippocrate pour «mateur» mental.

Dans ce contexte, inutile de vous préciser que si réfléchir à un meurtre est très risqué, alors tuer l’un de ses congénères devient un véritable acte suicidaire. Les extrapers sauront forcément sonder au plus profond de votre âme la «trace» liée à un tel acte. Et pourtant…

Entre space-opéra, anticipation et hard-science orientée psychanalyse, nous comprenons immédiatement pourquoi ce roman novateur a suscité tant d’engouement dans les années 50.

Au-delà de cette société d’un probable demain parfaitement décrite autour de nouvelles facultés humaines, Alfred Bester a su inventer un langage télépathique en brisant les codes de la retranscription écrite du dialogue : surprenant et fascinant. Visiblement féru de psychologie et de psychanalyse, l’auteur nous entraîne dans les véritables dédales obscurs de la pensée humaine avec en bonus l’examen minutieux de «tracés» névrosés et psychotiques. Ces allers-retours entre plusieurs réalités vécues sont le véritable coup de force du roman. La ligne de causalité se brise peu à peu et le lecteur se retrouve piégé par ces certitudes jusqu’à un dénouement pour le moins surprenant.

Coup de force, mais aussi vraie faiblesse car le genre, poussé à l’extrême, peut rebuter les moins préparés d’entre vous. Les fervents d’Asimov et de K.Dick pourront donc se délecter de ces quelques 300 pages et nous renvoyons les autres lecteurs à Marc Levy et David Foenkinos…avec une totale mauvaise foi, bien entendu !

Note: ★★★★☆

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