Le rock écossais nous a toujours offert de nombreuses satisfactions durant ces dernières décennies. Si on remonte un peu le temps, nous avons pu par exemple apprécier le post punk de Orange Juice, très vite suivi par les incontournables The Jesus and Mary Chain, eux même accompagnés au sommet par les Cocteau Twins jusqu’à la moitié des années 90. On aurait pu croire à une perte de vitesse du côté des Highlands, mais il n’en a rien été. En effet, une foison de groupes aussi formidables les uns que les autres ont pris la relève. À commencer par Arab Strap dont la carrière a été exemplaire, mais aussi Mogwai, les grands gagnants de l’année 2014, sans oublier les faiseurs de tubes de Franz Ferdinand ou autre Travis, dont on a pour le coup un peu perdu la trace… L’Ecosse n’a vraiment pas de quoi rougir, non, car dans tout ça, on retrouve également la formidable bande de Belle and Sebastian, qui traîne depuis maintenant presque vingt ans la même pop sautillante et enrobée de sucre à souhait !

Sorti en 1996, en pleine déferlante des Boys Band d’un côté et en pleine Coupe d’Europe de Football de l’autre, l’inaugural Tigermilk aura du se frayer un chemin pour sortir la tête de l’eau. Un défi largement réussi puisque très peu de temps après sortira ce qui semble être toujours à ce jour, la référence du groupe, à savoir If You’re Feeling Sinister. L’album rouge comme aimeront l’appeler les fans, car chaque pochette d’album des Ecossais est une photographie noir et blanc sur laquelle le blanc est remplacé par une couleur forte et puissante.

Passé ce coup d’éclat, Belle and Sebastian va avoir la route toute tracée. Voguant sur des eaux éloignées des voix commerciales pour se concentrer dans un univers un peu plus familial et intimiste, Belle and Sebastian n’aura aucun mal à s’imposer comme un incontournable de la pop. Une véritable machine à tubes, toutes proportions gardées, puisqu’il s’agit de petite perle pop qui n’a jamais vraiment éclaté au grand public. La compilation Push Barman To Open Old Wounds de 2005 nous le démontre sans grandes difficultés. Les années qui suivront offriront encore quelques jolies perles comme I Want the World to Stop issu de Wrote About Love, pour ne citer que celle-là.

Avec une régularité de production déconcertante jusqu’en 2003, où le sixième et excellent album Dear Catastrophe Waitress voit le jour, la bande à Murdoch va par la suite prendre un peu plus le temps. Comme la plupart des groupes passant la barres des 10 ans, les albums se feront plus rares, laissant place à des ambitions personnelles (Isobel Campbell, notamment, qui quitte le groupe pour une carrière solo, en 2002) ou à un peu de temps à une vie de famille. Jusqu’à ce qui nous intéresse aujourd’hui : la sortie du déjà neuvième album de Belle and Sebastian, nommé Girls in Peacetime Want to Dance.

Autant le dire tout de suite, ce nouvel opus ne présente en aucun cas une révolution dans la musique des Ecossais. On y retrouve toujours cette pop à la limite de la mièvrerie du « tout le monde il est gentil » en laissant certains sur le pallier, ceux qui ne supportent pas que la musique puisse être simple et enjouée. Cette analyse reste évidemment bien trop courte et étroite d’esprit pour être prise au sérieux. Il faudra aux plus courageux prendre le temps de se pencher sur les textes de Stuart Murdoch pour prendre la mesure de cette musique.

Ceci dit, il faut avouer que le titre The Party Line qui avait lancé la campagne de l’album, avait laissé entrevoir quelques changements. Cet excellent single n’a pas manqué de marquer les esprits, mais c’est quelque chose que Belle and Sebastian sait très bien faire à chaque album. Appâter le chaland avec un titre magnifique est devenu aussi commun pour eux que d’enfiler une chemise !

The Party Line est l’un des joyaux de l’album. Avec une introduction en sourdine laissant place à une belle explosion, le titre connaît un démarrage irréprochable. S’ensuit une musique électronique qu’on avait rarement entendue chez les Ecossais, et qui nous renvoie à d’excellents souvenirs comme par exemple à Electronic Renaissance de Tigermilk. Un tube en puissance, mais qui comme tous les autres, ne connaîtra pas le grand public.

Alors évidemment, dans Girls in Peacetime Want to Dance, il n’y a pas qu’un seul tube. L’album est d’une construction des plus classiques pour un Belle and Sebastian. Il y a bien longtemps que Stuart Murdoch a abandonné l’idée de changer son style musical, sans doute d’ailleurs n’en a-t-il jamais eu l’intention. Ainsi ce nouvel opus commence comme bien souvent par une chanson bien sentie qui permet d’entrer tranquillement dans l’ambiance guillerette du groupe. La voix impeccable de Murdoch, qui n’a pas bougé en vingt ans de carrière marque toujours autant par sa pureté et sa justesse. Nobody’s Empire est une bonne chanson introductive qui laisse présager de bonnes choses.

Cela se confirme avec Allie qui enchaîne pour le mieux sur un rythme plus soutenu et qui lance véritablement l’ensemble. The Party Line confirmera donc cette entrée en matière et laissera place à la très réussie également The Power Of Three où la voix de Sarah Martin s’impose sans difficulté pour poser l’un des moments les plus délicats de l’album, sans être pour autant une ballade lancinante. Le synthé reprend ici ses droits sans complexe, comme pour suivre le chemin tracé par The Party Line. Mais le temps est désormais à l’adoucissement puisque The Cat With The Cream va être la première vraie ballade de l’album, dans la pure tradition de Belle and Sebastian et ça ne sera pas la dernière. Soutenue par un orchestre de cordes, la chanson tient ses promesses et nous tient tout simplement malgré ses cinq minutes, pour être davantage surpris par ce qui sera sans doute l’une des plus immondes chansons de la carrière du groupe.

En effet, Enter Sylvia Plath est une espèce de chanson de vieille dance des années 90 qui vous saute à la gorge et ne vous relâche qu’après avoir réussi à surpasser la stupéfaction et être parvenu à changer la piste. On pense à des références plus ou moins évidente, comme les Pet Shop Boys ou encore Saint Etienne, mais on ne sait pas vraiment si c’est leur faire honneur. On pensera aussi dans un second temps à une production de AB où Bernard Minet se serait acheté une voix et un peu de classe.

Heureusement, The Everlasting Muse va reprendre le cours normal des choses avec une basse rebondissante et entraînante. On se sent dans un film noir où l’ennui s’installe petit à petit alors même qu’à tout moment, la folie peut survenir. Un décorum que l’on connaît bien chez Belle and Sebastian et qu’on apprécie toujours autant. Voire davantage quand elle est suivie par une excellente chanson comme Perfect Couples. Elle aussi se fait attendre de par son introduction, mais on n’est absolument pas déçu grâce à une rythmique vraiment bien sentie qui nous rappelle les meilleurs moments des Happy Mondays. Sans doute la meilleure chanson, avec The Party Line de l’album.

Malheureusement passé ce coup d’éclat, Girls in Peacetime Want to Dance va petit-à-petit se laisser aller à la facilité. Aucune des quatre chansons qui suivront ne parviendra à refaire vivre la flamme, laissant donc à cet opus le sentiment d’être trop long, trop classique, trop Belle and Sebastian.

Play For Today avec tout ses synthés sortis en fait pour le coup un peu trop pour être une réussite d’autant plus que la belle dure plus de sept minutes. Elle n’arrive sûrement pas à la cheville de son homonyme des Cure. The Book Of You parviendra tout de même à allumer la lumière, car les Ecossais sont quand même d’excellents compositeurs, tout comme Today (This Army’s For Peace), mais franchement qui d’entre-nous ira sincèrement aussi loin sur cet album ? Sans être de mauvaises chansons pour autant, on regrette de les retrouver sous cette forme-là, sur cet album, car elle aurait sans doute trouvé une meilleure place sous une autre forme ou sur une autre présentation.

Ainsi, Belle and Sebastian termine son album sur une note moins avantageuse. Cependant la majorité de l’album est composée de petites pépites qui continuent de nous charmer. Certes, on retrouve les mêmes idées, les mêmes rythmiques, le même talent, mais pour autant on ne cède pas à l’ennui et à la redite. On peut avoir pour seul regret la durée trop importante de l’album qui n’emmènera sans doute que les fans jusqu’au bout à chaque écoute et un petit écart vraiment disgracieux au beau milieu de l’album. Hormis cela, tout y est et fait de cet album une bonne entrée en matière pour cette année 2015. Belle and Sebastian en a fini de prouver quoique se soit et depuis bien longtemps. Désormais, le but est de se faire plaisir et cela n’est qu’évidence. Tant mieux pour nous !

Note: ★★★½☆



girls in peacetime

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