Habitués à retrouver le festival de la Route du Rock au Fort St Père lors des jours plus ou moins cléments du mois d’août, c’est cette fois-ci bien dans le froid de février que nous retrouvons la fameuse « cassette de mort », logo ô combien connu désormais du festival, au beau milieu de la ville corsaire de St Malo, dans la sympathique salle de La Nouvelle Vague. En voyant les lettres rouges flamboyantes à l’entrée de la salle, ce sont les agréables souvenirs d’un concert fantastique de Sun Kil Moon et surtout de The Notwist qui reviennent immédiatement en tête, l’une des soirées les plus mémorables de ces dernières années à la Route du Rock.

C’est donc avec l’envie d’en découdre à nouveau, que nous descendons les marches qui nous mènent dans la salle où Cherry Glazerr est déjà en train de chauffer les esprits. Lourde tâche pour cette jeune artiste que de lancer cette 12ème édition de la collection hiver de la Route du Rock. Elle ne s’en laisse pourtant pas compter puisqu’armée de sa guitare électrique et bien soutenue, entre autres, par Sasami Ashworth aux claviers, elles enchaîne des chansons indie-rock plutôt énergiques. Son deuxième album Apocalistick, fraîchement sorti, rencontre un accueil plus enthousiaste que pour le précédent. Il faut dire que les titres comme Nurse Ratched ou Told You I’d Be With The Guys ont tout de petits tubes en puissance. Sur scène, Cherry Clazerr défend ses chansons vigoureusement et tente de calmer sa timidité apparente en discutant avec sa complice à la fin de chaque chanson. Sans forcément époustoufler un public encore clairsemé, la jeune Américaine a rendu une copie honnête et laisse entrevoir encore une belle marge de progression.

Si nous avions déjà envie de voir Cherry Glazerr sur scène, avouons que l’attente était encore plus grande pour Fishbach. Inconnue au bataillon il y a encore quelques mois, cette jeune Française étonne avec une musique très marquée années 80, une sorte de synth-pop qui tranche clairement dans le vif. La première écoute de son album À Ta Merci est surprenante, mais on finit par y revenir et par apprécier ces sonorités issues tout autant d’un bon vieux Indochine (Eternité) mais aussi qu’aux débuts d’Etienne Daho, en passant par Niagara. Elle emprunte également beaucoup à Gainsbourg notamment dans l’attitude et les textes. Fishbach s’avère beaucoup plus sombre dans les propos, abordant les thématiques de la mort (On Me Dis Tu) ou le suicide (Le Château). Sur scène, cette jolie jeune femme élancée ne s’en cache pas. Son incroyable voix, sensuelle et légèrement grave, envoûte rapidement le public. Prenant le temps de parler aux spectateurs, elle dévoile une fragilité et une timidité qui disparaît aussitôt qu’elle chante. Elle se déhanche, joue avec les lumières et le public, le show est bien ficelé et les chansons passent inévitablement trop vite. La prestation a fait sensation et on ne doute pas d’entendre encore parler de Fishbach dans les prochains mois.

shame_RDR_2017

Après cette très belle prestation venait Shame. N’ayant pas encore sorti d’album, disposant seulement de quelques titres d’un post punk énergique mais sans surprise dans leurs versions studio, le groupe était moins attendu. Quelle ne fut pas notre surprise de le découvrir sur scène ! Composé de cinq jeunes hommes, mené par Charlie Steen qui se créer un personnage plein de colère contenue, Shame ne s’encombre pas d’un round d’observation. Hormis le batteur Charlie Forbes, contraint par son imposant instrument, tous se déplacent sans cesse sur scène, comme dans l’impossibilité de rester sur place, en envoyant des chansons pleines de testostérone. L’effet est immédiat, le public suit le rythme et on aperçoit très rapidement des mouvements devant la scène. Les spectateurs veulent aussi jouer leur partition. Prenant des postures à la Liam Gallagher, Charlie Steen, semble comme un lion en cage, hésitant à plusieurs reprises de se mêler à la foule, haranguant les premiers rangs, transpirant à ne plus en supporter ses vêtements. Gold Hole le rendra complètement fou, laissant son pied de micro au bon vouloir du public. Proposant de temps en temps des chansons plus posées comme le single The Lick, qui permettra au chanteur de lécher son micro et de tirer la langue à qui veut, Shame parvient à jouer et composer avec le public. Ces jeunes Anglais auront convaincu la salle, sans aucun doute possible. Ils ont été un véritable électrochoc et ont poussé le public à sortir de sa routine, au sens propre comme au figuré puisque pour son finish, Charlie Steen finira par lancer un petit pogo lui-même, après enfin avoir osé descendre de la scène. Un belle claque qu’on aura beaucoup aimé recevoir.

Suite à ce grand élan de folie, la soirée change de ton avec une toute autre ambiance, mais pas moins plaisante. Malgré ses quatre albums, nous n’avions jamais croisé la route de Buvette. Il faut dire que jusqu’à maintenant et un peu à l’instar de Joseph Mount, le leader de Metronomy, Cédric Streuli officiait en solo, avec une réussite plutôt contrastée. A cette époque, le Suisse se rapprochait beaucoup des sonorités de Why?, notamment en raison de son phrasé très proche de celui de Yoni Wolf. Pour son dernier album, Elasticity, Cédric Streuli, le dernier chanteur aux cheveux longs, s’est donc entouré de musiciens et à composé des chanson plus dansantes sans dénaturer pour autant son style. Deux titres ressortent très nettement de cette album, Staring At The Lines, un tube quasi immédiat dont on ne se lasse pas et Smoking Machine Control qui a largement été mise avant en conclusion du set, dans une version rallongée pour le plus grand plaisir du public. Les sonorités simples, loufoques et répétitives de ces deux morceaux, qui s’inscrivent pour autant dans des styles différents, ne peuvent que provoquer l’envie d’écouter et de se trémousser. Sans forcer, Buvette nous fait passer un excellent moment auquel il aura manqué peut être un peu de folie au regard du potentiel des productions.

Il ne restera plus au programme de ce vendredi soir que Romare, un Anglais à la moustache discrète, dont on a beaucoup apprécié les compositions de son album Love Song Part Two. Dans un style electro, façon downtempo, conclure la soirée sur ce style de musique était sur le principe une bonne idée, afin de relâcher la pression et profiter de ces mélodies lancinantes. Mais notre envie de voir la prestation de Romare – accompagné pour l’occasion d’un percussionniste – s’est vite transformée en envie de dormir. Deux possibilités s’offraient alors aux quelques spectateurs encore présents dans une salle qui s’était copieusement vidée. Les premiers ont clairement été envoutés par la musique et se balançaient lentement, le regard vide, comme hypnotisés par les platines. Les derniers ont rendu les armes et patientaient tranquillement, espérant reconnaitre une ambition, une prise de risque dans cette rythmique qui nous fait croire à une explosion qui ne viendra jamais. C’est la vraie déception de la soirée qui avait pourtant été excellente jusque-là.

Note: ★★★★☆

Crédit photos :

Fishbach : Cécile Schuhmann
Shame : Nicolas Joubard

Enregistrer

partager cet article