«Le fait divers fait diversion» déclarait en 1996 Pierre Bourdieu à propos du contenu des journaux télévisés.

Mais il nous divertit de quoi ? Et comment ?

En étendant le sujet à l’ensemble des mass médias (télé, radio, presse écrite), Gilles Balbastre et Yannick Kergoat tentent de répondre à ces questions avec pédagogie, insolence et militantisme.

Pédagogie, car les deux réalisateurs ne lésinent pas sur la preuve par l’image. Ils sont encore moins avares de démonstrations à grands coups d’archives télévisuelles (à ce propos notons que la facture de l’INA a été la plus grosse dépense de ce film !). Rien de tel que de bonnes images volées ou oubliées – souvenons nous de l’excellent reportage Pas vu pas pris de Pierre Carles en 1998 – pour confondre journalistes et autres experts «indépendants» sur l’autel d’une proximité équivoque, voire du conflit d’intérêts, avec les pouvoirs dominants.

Insolence, car certaines situations sont tellement cocasses qu’on peut en oublier leur réalité. Et pourtant… Citons ces allers-retours édifiants entre le passé et le présent, entre le temps de l’ORTF et le fameux «triple-play» d’aujourd’hui. Est-elle véritablement si révolue, cette époque où Alain Peyreffitte, ministre de la communication, donnait des leçons de journalisme à Léon Zitrone au journal télévisé de 1963 ? Peut-être devrions-nous poser la question à Christine Ockrent ou à Audrey Pulvar, journalistes et accessoirement compagnes de responsables politiques de premier plan.

Militantisme, car nos deux journalistes se positionnent avant tout comme citoyens défendant des valeurs humanistes et de justice sociale. Ils appartiennent à une gauche qui dérange et accepte difficilement le consensus mou de cette autre gauche «en responsabilité». Ils dénoncent les privilèges de la naissance bourgeoise et fustigent cet ordre établi qui n’a de cesse de se reproduire tout en partageant le moins possible. C’est donc un journalisme orienté et politique qui dénonce une autre orientation, celle des grands médias à la solde des pouvoirs politiques et économiques pour servir une pensée unique : ce système capitaliste dans lequel le monde a plongé avec Reagan et Thatcher, dans les années 80.

«Aujourd’hui un journaliste assimile sans vergogne des actes de révolte sociale à de la banale délinquance» nous dit en substance Gilles Balbatre à l’issue d’une projection presse. Tiens, revoilà le fait divers…

Ça change, ça dérange et cela pourrait même réveiller l’idéaliste qui sommeille en vous !

Au fait, vous faites quoi le 22 avril 2012 ?

Note: ★★★★☆

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