Mogwai, c’est deux décennies de carrière, huit albums studio, dont le tout dernier Rave Tapes, deux albums de remix et deux bandes originales, celle du film Zidane un portrait du 21ème siècle – quasiment le seul intérêt du film -, et de la série Les revenants. Mogwai, c’est aussi un label, Rock Action, titre de l’un de leurs albums.

Beaucoup ont souvent reproché à Mogwai de ne pas se renouveler, de reproduire toujours le même scénario. Un jugement un peu trop rapide pour être réellement pris au sérieux. Un groupe ne peut rester aussi longtemps sur le devant de la scène en reproduisant systématiquement la même recette. D’autant moins que ce style musical – le post rock, en l’occurrence – est beaucoup moins mis en avant par les médias, la radio notamment. De toute façon,  Mogwai n’a jamais réellement accepté d’être rattaché à cette mouvance. Les Écossais ont connu une progression des plus intéressantes, chaque nouvel opus apportant sa nouveauté et façonnant davantage un son de plus en plus unique.

Ce résultat, Mogwai l’obtient de par sa façon de fonctionner. Sans réel leader, chacun prend part à la composition et à l’écriture des titres. Au gré des envies, le groupe produit des albums qui développent des ambiances qui peuvent être assez différentes. Preuve en est en comparant Young Team, leur premier album avec Come On Die Young. L’album inaugural présente littéralement le son du groupe, mais sans vouloir en réduire la qualité. Des chansons qui débutent sur des rythmes lents qui finiront la plupart du temps dans un mur de son bruitiste à souhait, le tout suivant une courbe de progression plus ou moins lente. Des titres qui d’ailleurs peuvent s’étendre au-delà des 10 minutes. Assez fort pour un premier album. Come On Die Young, lui, va au contraire développer une musique à la sensibilité rare, avec beaucoup moins d’envolées. Il constituera une des pierres angulaires des productions du groupe.

Stuart Braithwaite, guitariste emblématique du groupe, aime à raconter à qui veut bien l’entendre, que la seule ambition de Mogwai est de créer de la bonne grosse musique et rien de plus. Pas de message, pas de look particulier, de la musique tout simplement. Même le nom Mogwai a été choisi, « faute de mieux ! ». Les Écossais sont de vrais passionnés et ils s’attachent à n’inclure aucun éléments dans leur album qui ne pourrait être reproduit en concert. Car la scène, c’est en réalité leur vrai terrain de jeu. Tout est fait pour que les compositions prennent toute leur saveur en public. Jouées à pleine puissance, des chansons comme Mogwai Fear Satan font ressentir des tremblements inhabituels dans les entrailles, tout comme comme Friends Of The Night, mais pour une toute autre raison… Peu nombreux sont restés indifférents après un concert. Bref, une expérience à vivre.

Après la dernière tournée, on s’attendait à retrouver Mogwai toutes guitares sorties, avec des sons assez forts. Hardcore Will Never Die, But You Will avait fait la part belle à des sonorités plus électroniques, accordant beaucoup d’importance aux claviers. Un élément qui n’avait jamais été poussé aussi loin par les Écossais et qui en avait surpris plus d’un. Et puis la BO des Revenants, assez calme, laissait donc présager un contre-pied. Mais Mogwai va faire quelque chose de plus grand. Ils vont comme à leur habitude se laisser porter par leurs envies et Rave Tapes s’avère un vrai bon cru.

En réalité, les Ecossais abordent 2014 avec une volonté de synthétisation. Rave Tapes semble être l’album idéal regroupant quasiment ce qui s’est fait de mieux sur les précédents albums. On y retrouve à la fois la puissance des guitares, la résonance des basses, des mélodies à tomber par terre et surtout des vibrations aussi bien techniques qu’émotionnelles.

Aucune chanson ne loupe sa cible. Rave Tapes s’écoute dans sa globalité. On vogue dans un univers tantôt agréable, tantôt dérangeant, Mogwai ayant toujours su créer des musiques qui font ressortir les sentiments les plus profondément enfouis, quitte à verser une larme. Exemple flagrant, No Medecine For Regret, prend littéralement aux tripes, alors que The Lord Is Out Of Control ravira d’une façon différente, avec un retour aux paroles cryptées dignes d’un grand Come On Die Young. L’influence de cet album reste importante sur Rave Tapes. Reprenant des interviews de Iggy Pop dans Punk Rock, le deuxième album de Mogwai laisse une part envoûtante aux voix. Et dans Rave Tapes, on retrouve cette particularité, notamment dans la sublime chanson Replenish finissant par un saisissant « There is a choice to make. What about You ? What Do You Choose ?  »

Des compositions plus classiques et plus directes comme Hexon Bogon ou Master Card donnent à l’ensemble un corps renforcé et permettent de créer un véritable lien entre les dix chansons présentes dans ce dernier opus en date.

La chanson introductive, Heard About Your Last Night, particulièrement touchante, de par sa mélodie aux claviers, notamment sur le « refrain », joue pleinement son rôle et il est bien difficile de ne pas aller jusqu’au bout de la chanson… Et par conséquent de l’album ! Mais Mogwai n’oublie pas ce qu’il est et ne se contente pas d’une partie de sa personnalité. L’influence de Hardcore Will Never Die, But You Will est bien là. On la retrouve dès la deuxième chanson, Simon Ferocious, mais aussi sur l’excellente Remurdered, avec le poids de l’électronique et avec des rythmes plus saccadés. Un peu à la Manière d’Auto Rock sur Mr Beast, la musique monte en puissance, pour finir par un grand boum. Véritable marque de fabrique, on la retrouve également sur Blues Hour, probablement la composition la plus lente de l’album.

Mogwai reste Mogwai. Mais si l’album reprend beaucoup du passé, il ne s’agit pas d’une redite. La production de l’album est beaucoup plus claire, la technique est mieux maîtrisée, les sonorités beaucoup plus variées. Un tout qui donne une sensation de nouveauté dans un univers que l’on connaît bien. Assez remarquable pour être souligné.

Rave Tapes est donc un petit bijou. Mogwai, avec toute son expérience et surtout sa simplicité et sa bonne volonté est parvenu à rendre une copie des plus intenses et agréables à l’écoute. Véritablement au sommet de leur art, les Ecossais vont pouvoir s’en donner à cœur joie en concert pour créer des ambiances comme eux seuls parviennent à le faire. Ne pas oublier les boules Quiès !

Mogwai, Rave Tapes, sortie le 20 janvier 2014 (Rock Action records)

Note: ★★★★½

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