Toulouse, le soleil, l’accent qui chante, la ville rose. Il y a tout pour faire de cette ville un lieu de passage obligé pour les artistes les plus influents. Pourtant, depuis quelque temps, on voit petit-à-petit la scène musicale toulousaine évoluer dans une direction nouvelle. Les raisons en sont diverses et variées et il serait trop long ici d’en étudier et d’en comprendre les raisons. Quoi qu’il en soit, les grands noms du rock se font de plus en plus rares et les ambitieux traînent un peu à venir dans ce cadre pourtant alléchant.

Alors Toulouse décide de ne pas se laisser aller. Venus de la ville ou des alentours, les habitants se prennent en charge et certains d’entre eux osent même tenter la grande aventure de la musique et de ce qui va avec ! Nous avions suivi, à l’époque, le festival des Intimités (2013), voyant éclore des groupes aujourd’hui reconnus, comme Cats On Trees ou d’autres qui devraient l’être davantage, comme Uniform Motion. Le fait est que la graine est plantée et elle commence à grandir !

Ce vendredi soir, c’est le petit dernier qu’il nous était donné de voir. Après avoir écumé quelques belles scènes en France, les « natifs » Kid Wise revenaient à la maison pour présenter leur tout premier album fraîchement sorti en mars et qui était déjà très attendu. Et ce n’est rien de dire que l’accueil a été des plus chaleureux. C’est d’ailleurs assez surpris que l’on pénètre dans la très sympathique salle du Métronum, constatant qu’elle est complètement bondée pour l’occasion. Soit la réputation du groupe le précède déjà, soit les membres du groupes ont vraiment des familles nombreuses…

Le leader du groupe, Augustin Charnet – qui possède un faux air de Rick Moranis, l’acteur principal de Chéri, j’ai rétréci les gosses -, semble avoir tout ce qu’il faut pour mener son groupe vers les hauteurs. Campé derrière ses synthés du centre de la scène, il s’agite tel un scientifique fou tripotant les touches du tableau de bord pouvant déclencher le lancement de la bombe nucléaire !

Débutant le concert avec Ocean, la chanson introductive de l’album L’Innocence, il montre d’entrée l’étendue de son talent puisqu’il entame seul la chanson au synthé et s’accapare immédiatement la scène. C’est d’ailleurs un excellent choix pour commencer, puisqu’elle permet d’imposer l’atmosphère particulière du groupe. Et lorsque apparaît la voix très particulière d’Augustin Charnet, on se dit que se sera sans doute l’un des éléments forts de la carrière du groupe, car reconnaissable parmi cent.

Ocean rend compte à elle seule du potentiel du groupe. On retrouve là-dedans un peu d’Archive de la grande époque, capable de nous prendre par la main pendant une dizaine de minutes sans nous lasser et en nous faisant passer par toutes sortes d’émotions. À la fin de cette première chanson, on se dit qu’on va assister à quelque chose de grand. Mais rien n’est jamais gagné d’avance.

il faut dire que les Toulousains n’ont pas choisi la voie facile. Avec un premier album qui ne comprend aucun tube immédiat, ni même une chanson calibrée pour la radio – puisqu’elles dépassent toutes les quatre, voire cinq minutes -, il n’y a pas droit à l’erreur pour tenter d’obtenir une accroche médiatique. Et être six sur scène n’arrange rien… Mais d’un autre côté, le groupe a tout pour draguer les inconditionnels élitistes du rock indé. Et à ce petit jeu, le violon est un bonus indéniable.

Suite à cette entrée en matière réussie, Kid Wise propose alors son répertoire. Assez vite les points faibles vont se dévoiler, dont certains étaient malheureusement prévisibles, d’autres déjà connus.

Le groupe oscille entre deux styles musicaux qui se côtoient plutôt bien. On en a déjà défini un avec Ocean, ce style lancinant et atmosphérique, à haute teneur émotionnelle, blindé à grands coups de plages de synthé et de violon. Un côté très bien maîtrisé par le groupe pour lequel on reste très demandeur. Malheureusement, ce penchant est moins porteur en termes de publicité et reste souvent cantonné à un public d’initiés. D’autant qu’on l’on peut très vite dépasser les limites de l’ennui si les propos n’atteignent pas leur cible. C’est peut être le cas d’une chanson comme Blue qui, même si elle est plutôt bien menée, en laisse à coup sûr quelques-uns sur le bord de la route.

L’autre coté est ce style un peu plus sautillant, un peu plus enjoué et énervé, qui peut très bien aboutir à une montée en puissance. Ce côté-là, qu’on retrouve sur des chansons comme Forest, par exemple ou, plus clairement sur Child semble pour le coup un peu moins maîtrisé, notamment sur scène. Kid Wise souffre dans ce registre de la comparaison avec d’autres groupes ô combien plus efficaces que peuvent être Foals (Forest) ou les débuts de Klaxons sur une chanson comme Ceremony.

Ceci s’explique en partie par le manque d’expérience sur scène de Kid Wise, à qui il faut encore du temps pour adapter au mieux leurs chansons. Mais c’est aussi dû à la qualité des musiciens qui possèdent encore tous une belle marge de progression, synonyme de tout un tas de bonnes choses à venir. Par ailleurs, le travail a déjà bien avancé avec l’enchaînement de plusieurs titres sans interruption, pas d’hésitation non plus à jouer les prolongations sur les chansons phares. Des titres qui par ailleurs ont plutôt bien été répartis, laissant se succéder des moments plus vivants avec des moments de calme intense.

Hope, titre le plus connu à ce jour du groupe, sera l’élément fort de la soirée. Le public l’attendait depuis le début et ne s’est pas fait prier pour lancer la danse dès les premières notes. Il n’en fallait pas plus à Augustin Charnet pour venir rejoindre la fosse et prendre part à la partie.

Kid Wise finira son set comme il l’a commencé, avec une autre chanson énorme. Cette fois-ci c’est Echos qui fera le boulot. Avec ses huit minutes, elle a de quoi remettre tout en ordre et sera une dernière claque avant que l’on nous demande de regagner notre quotidien. Elle prend le luxe du temps et elle le fait en nous proposant une montée en puissance quasi inattendue. Elle révèle Kid Wise comme un groupe qui a le potentiel d’évoluer vers du post rock avec de bonnes chances de réussite. On lui préfère quoi qu’il en soit, ce coté là.

Le temps d’échanger un peu avec le public, qui compte déjà un certain nombres de fans, on se rend compte au final que ce qui manque à Kid Wise, c’est finalement un peu d’expérience et de confiance sur scène. Son premier album est très réussi, mais il ne réalise malheureusement pas le sans faute. Il comprend cependant une importante dose d’espoir, car il y a une belle marge de progression et un bon potentiel. Malgré tout, les Toulousains (ceux sur scène ou dans le public) se sont régalés se soir-là.

Note: ★★★½☆

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