On a beau savoir que le film a traversé un production hell laborieux, à base de caprices de stars, de reshoots coûteux et de remontages intempestifs. On a beau se convaincre que les cinématographies du monde entier sont poreuses, qu’elles communiquent entre elles par un jeu de réappropriation et de circulation des codes et des motifs, rien n’y fait, on a du mal à trouver une quelconque excuse qui justifierait le ratage artistique et financier de ces 47 Ronin. Car même en faisant l’hypothèse a priori des bonnes intentions initiales de réaliser un film hollywoodien qui respecterait les codes du shambara, elles sont instantanément contredites par un ensemble de choix hasardeux qui invalident l’hommage qui se voudrait rendu au genre.

Il en va ainsi de cette volonté d’introduire un corps étranger – ici celui de Keanu Reeves – à un mythe nippon, écrit dans tous les manuels d’histoires de l’archipel et connu de tout un peuple, symbole des valeurs telles que la loyauté, le courage, l’honneur et le sacrifice. Le Neo de Matrix y joue un sang mêlé fort adéquat à ce projet bâtard où tout le monde parle anglais en pleine ère Meiji, qui va aussi bien puiser dans la mythologie japonaise que dans l’heroic fantasy, qui voudrait prendre son temps pour poser les enjeux, un leurre contredit par le déferlement pyrotechnique et les CGI immondes d’une deuxième partie qui veut en mettre plein la vue.

Au final, 47 Ronin est aussi bien dépourvu de caractérisation des personnages que de souffle épique et ne retient de son décor qu’une esthétique de publicité pour Kenzo. Les étoffes volent de façon aérienne, les cerisiers sont en fleur. Tout cela est très joli, mais désespérément académique, vide et creux. Tout comme le jeu dépourvu de la moindre expression d’un Keanu Reeves qui vole la vedette à ses collègues d’infortune et qui réécrit l’histoire à la faveur de son personnage de métisse qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Il faut la connaissance intime et historique d’un Tarantino pour réussir l’amalgame des cinéphilies cosmopolites, là où 47 Ronin est le fruit de financiers qui imaginent un duel au sabre comme une cinématique de jeux vidéos. Une véritable souillure faite au Cinéma de Kurosawa, Mizugochi ou Kobayachi…

Note: ☆☆☆☆☆

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