Quatrième film du jeune Québécois que l’on traite de prodige ou d’escroc. Il bifurque et prend le chemin du thriller, au moins dans les intentions. L’histoire est co-écrite par Marc Michel Bouchard, dramaturge québécois, et le film est enveloppé d’une musique symphonique de Gabriel Yared.

Il faut dire que tout cela commence très bien. Un bleu Klein se répand fébrilement sur un mouchoir qui tremble face à la caméra, puis on suit une voiture en très haute plongée sur la musique de Michel Legrand, Les Moulins De Mon Coeur chantée à Cappella.

Deux effets de styles donc, mais une fois rentré dans le film, le lyrisme prêt à exploser des premières images vient butter sur une absence, et sur un décor peu accueillant, voire hostile.

Le film raconte l’histoire d’un jeune publicitaire homosexuel venu à l’enterrement de son ami à la campagne, dans sa famille d’agriculteurs. La famille étant la mère et le frère; elle ignorant tout de l’orientation sexuelle de son fils, lui au courant, mais faisant son possible pour que Tom ne révèle rien et laisse sa mère dans le souvenir d’un fils « normal ». Ce frère, Francis, est le vrai sujet du film autour duquel le récit va tourner, tentant comme la mise en scène de le cadrer sans toujours y parvenir.

Le film commence sur une tonalité quasi horrifique, réunissant plusieurs effets et détails relevant du film d’épouvante. Un personnage surgit au milieu de la nuit, un étrange effet d’aplanissement de visage dans une référence à Psychose… Et quant aux vaches immobiles dans le brouillard, elles n’ont plus à faire leur preuves en terme de pressentiment anxiogène… À l’image de cette phrase « un champ de maïs en hiver c’est comme un champ de couteaux », terrifiante en soi mais qui à force d’être répétée va tourner à la farce, le film va bifurquer, se laissera aller à des scènes burlesques plutôt bienvenues, et pas si lointaines en termes d’affects que les prémices horrifiques du début.

Ces ruptures de tons sont également là pour tenter de caractériser le personnage du frère, instable, dans un brouillard total en terme d’identité sexuelle. Ces petites incartades burlesques comme ces éléments usant des idiosyncrasies du fantastique, entourent ce personnage sans jamais réussir à l’asseoir quelque part. Et le film est parfois au bord de rendre systématique et banal son système fait de bifurcations et de détours.

Le personnage principal à une « dégaine ». Pour une fois, il semble se différencier presque totalement du faiseur Dolan pour n’être qu’un personnage, interprété par Dolan. Personnage urbain donc, un publicitaire, branché, qui traite les fermier de « rednecks », mais qui va pourtant se retrouver face à encore plus trouble que lui. L’image d’une errance urbaine, d’une identité sexuelle tourmentée des trois premiers films est mise hors champ, sinon brutalement face à ce qu’elle rejette par sa condition même. La détresse est autre, elle est celle du personnage de Francis, à qui l’on n’a pas donné de repères, qui a laissé se développer sa névrose dans un milieu de brouillage total. L’image est verdâtre, le sol boueux, et la caméra filme autant les corps que les décors qui les entourent et les enferment.

Tom n’a pas la main sur le récit, et dans deux poignantes scènes finales, un monologue, puis une vision tétanisante venant mettre le point final à ce dernier, l’horreur vient finalement accorder toutes les digressions, le burlesque et l’effroi deviennent deux aspects d’une même émotion, et le film gagne une étonnante impression de maîtrise, qui dissipe les doutes que l’on pouvait avoir face aux quelques errances scénaristiques.

Tom à la ferme, sortie le 16 avril 2014

Note: ★★★½☆

partager cet article