En ces jours de conservatisme et de régression totale, pourquoi ne pas en profiter pour rendre hommage à l’un des disques les plus politiques de ce début d’année ? Janine Rostron, aka Planningtorock, vient tout juste de sortir son troisième album. Have It All (2006) interrogeait en partie la notion d’identité. W (2011) était une évocation étrange de sa sexualité. All Love’s Legal, quant à lui, est l’ABCD de l’égalité livré en kit pour le dance floor. Que le disque adoptant une vraie attitude punk ne soit pas un disque à guitares mais un album de musique électronique à base de synth pop et de cordes pincées, passe encore. Que l’album en question soit de l’électro transgenre et inclassable en forme de tract révolutionnaire, c’est quelque chose qui, en soi, est déjà original. Mais réaliser, de surcroît, qu’il contient un tube potentiel monstrueux (Public Love) et qu’il s’amuse à le miner de l’intérieur pour en faire un truc anti-commercial au possible, il va sans dire que cela est tout à fait scandaleux. No Fun.

Si l’on s’en tient au contenu politique, All Love’s Legal pourrait se résumer à quelques slogans prônant l’amour libre et l’égalité des genres. Les titres parlent d’eux-mêmes : Misogyny Drop Dead, Patriarchy Over & Out. Mais contrairement aux apparences, Janine – qui se fait dorénavant appeler Jam afin dévacuer toute référence au féminin ou au masculin – ne supervise pas un séminaire féministe ou un nouveau colloque sur la théorie du genre, non, elle gère les entrées et les sorties d’un labyrinthe électronique dans lequel la musique elle-même joue au chat et à la souris avec le Minotaure. Orbes phosphorescentes déclenchées en signe de bienvenue (Welcome). Expérimentations dans la lignée de Laurie Anderson (Human Drama). Cold wave contrariée (Answerland). Groove calibré ESG avec voix génétiquement modifiée (Let’s Talk About Gender Baby). Marche mélancolique un rien lugubre comme échappée d’un album des Residents (Steps). Bombe électro à fragmentation propulsée par une diva punk (Public Love). Bien malin celui qui parviendrait à déterminer précisément à quel registre appartient cet album.

Janine Rostron manipule sa voix de manière à ce que l’on ne puisse pas réellement savoir s’il s’agit de celle d’un homme ou d’une femme. L’empreinte vocale est celle d’une chimère numérique mystérieusement androgyne. Tout l’album est conçu pour déjouer les normes, celles de la pop music et celles de notre société. Bienvenue dans le labyrinthe !

Note: ★★★★☆

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