Quand t’es dans le désert…

Dans le désert californien, Sam roule de ville en ville, VRP en chemisette qui sonne aux portes de fermes sordides et de caravanes lugubres sans que personne ne réponde jamais. Son seul compagnon, l’ours en peluche géant assis sur le siège passager de son véhicule, un cadeau pour sa fille qui fête son anniversaire le lendemain. Autre incongruité dans ce paysage vidé de toute présence humaine, une lumière rouge brille dans le ciel comme un mauvais présage, un doigt accusateur, une augure funeste. Sam ne croise personne, il passe des appels téléphoniques à sa femme et à son patron, mais sans jamais établir aucune communication.

S’il est seul partout où il passe, il semble toutefois observé, ses gestes sont filmés à travers des caméras de surveillance. Depuis la radio d’un restaurant désert, sur le poste de sa voiture, il écoute le seul programme qu’il est possible de capter dans la région : Eddy Crache ton venin, une émission où les auditeurs appellent pour exprimer leur colère. Sam apprend qu’un criminel, un tueur d’enfant est recherché, que la police est à ses trousses et devraient l’appréhender très vite. Sur son pager, Sam commence à recevoir des insultes, on l’accuse de pédophilie, on le menace.

Sam est-il cet assassin recherché par la population local ? Le film évolue-t-il dans le cerveau d’un tueur qui refoule son crime, en proie à la culpabilité ? Nemesis prend soin de ne jamais répondre aux questions que se pose le spectateur, en entretenant un climat anxiogène permanent et en évitant de figer son personnage principal dans une unique posture victimaire ou criminelle. Poursuivi par un policier masqué puis par des autochtones dont on ne voit jamais le visage, Sam est obligé de tuer pour sauver sa peau. Le film évoque autant le thème du lynchage que de l’auto-défense, du pouvoir des réseaux, de la justice expéditive, convoque les ambiances surréalistes de la Quatrième dimension et la terreur aveugle de Duel de Spielberg.

Filmé avec un budget minuscule, Nemesis ne souffre pas de la modestie de ses moyens mais en fait a contrario la force de sa mise en scène, sèche et nerveuse. Christophe Deroo, le français derrière la caméra est un excellent technicien, qui sait maîtriser le cadre et composer des plans qu’on dirait tout droit sortis de westerns, il parvient à installer une ambiance claustrophobique dans de grands espaces. Mais le film échoue in fine à convaincre totalement et à maintenir l’intérêt sur la durée (pourtant réduite, 1 H 15) faute à son argument riquiqui et sa narration en roue libre, reposant trop lourdement sur un mystère qui ferait l’affaire sur un format court mais peine à relancer ses enjeux dans le cadre d’un long-métrage.

Note: ★★☆☆☆

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