En 2004 la Maison Rouge ouvrait ses portes à l’initiative du collectionneur Antoine de Galbert, après avoir exposé de nombreux artistes contemporains, de Chiharu Shiota àBerlinde de Bruyckere, Antoine de Galbert accroche aujourd’hui une majeure partie de son immense collection, sur un mur de 278 mètres de long, parcourant la maison rouge et donnant à voir une foule d’oeuvres murales de provenances diverses.

Les œuvres ne sont pas exposées selon un choix arbitraire mais par un logiciel informatique dans lequel une formule a été rentrée, lui permettant d’organiser le mur comme bon lui semble. C’est donc un accrochage plus ou moins aléatoire qui nous est donné à voir, suivant le goût extrêmement cohérent du collectionneur. Il n’y a pas de commissaire, et c’est un premier geste, il n’y a que des œuvres, pas de curator, pas de conjoncture à suivre, seule une formule mathématique rentrée dans un ordinateur. Des écrans tactiles disséminés dans la galerie nous permettent d’associer quelques unes des œuvres à leurs auteurs, mais les noms viennent après le regard.

Cette exposition comme le dit le collectionneur, place tout le monde au même plan, tous les artistes ont les même préoccupations et Morellet se retrouve à côté d’un dessin d’art brut. Ce mur est un fleuve, emportant toutes perspectives et hiérarchies historiques, la dictature de la cote et du marché de l’art est également balayée par cet algorithme qui produit parfois d’étonnantes résonances entres les œuvres, signe encore une fois, d’un goût pour l’art allant au delà des modes et convenances.

Le face-à-face avec le mur est un face-à-face avec une histoire allant au-delà de celle de l’art parfois un peu figée par les institutions, la forme étant prédominante, se dessine dans le regard une histoire des artistes et de leurs obsession, ainsi qu’une vision de l’art ayant toujours un œil dans la grande Histoire. La détresse des corps mutilés de la guerre du Vietnam répond à celle des difformités d’Hans Bellmer, les mots de Ben dialoguent avec ceux de Philippe Vandenberg…

« Le mur » est une exposition indispensable, en se désolidarisant de toute logique publicitaire – pas de grands noms brandis, pas de promotion autre que portant sur la forme possible – l’exposition nous donne à voir ce que peut l’art quand histoire des formes rencontre l’histoire intérieure des hommes qui les produisent, et le plus petit dessin côtoyant le plus grand tableau est un mouvement comme un morceau de temps, comme une émotion qui est celle du collectionneur face à l’oeuvre achetée et celle du spectateur face cette double impulsion : la création d’un artiste et l’affection d’un homme pour un créateur ou une simple forme.

Le plus grand mystère dans la réussite incontestable du projet réside également dans le fait que jamais cet amoncellement d’oeuvre ne produit un désordre ou un encombrement, gênant la vision et l’appréciation des œuvres.

Le mur, se place ainsi comme l’une des plus singulière et salutaires propositions qui nous ait été donné à voir récemment, aidant le public (et non le spectateur) à sentir quelque chose de l’art, au delà de l’information et de l’historique.

Le mur, œuvres de la collection Antoine de Galbert à la Maison Rouge – Jusqu’au 21 septembre 2014

Note: ★★★★★

partager cet article