Dans notre quotidien, il serait bien difficile de nous passer de nos ordinateurs et autres téléphones. Les nouvelles technologies nous ont apporté beaucoup de satisfactions et comme jamais rien n’est parfait, elles ont également créé une nouvelle catégorie de personnes : les geeks ! Très sympas, les geeks, mais point trop n’en faut ! Avec les séries Nerdz ou autre Big Bang Theory, on en a soupé, de la culture geek ! Alors quand on a vu débarquer en 2012 un nouveau petit groupe à sensations fortes porter le doux nom de qu’on doit en réalité prononcer Alt-J et non pas Delta, parce qu’il s’agit d’une référence au raccourci clavier d’un Mac QWERTY, il a fallu beaucoup d’objectivité pour placer la disquette dans la platine !

Mais ça tombe bien car par ici, l’objectivité, ce n’est pas ce qui manque ! D’autant plus que la bande de Leeds est loin d’être stéréotypée geek et qu’on peut difficilement rester insensible face au talent. La recherche d’un nom a semble-t-il été quelque chose de difficile pour Joe Newman et ses petits copains. Initialement appelés Films, ils abandonnent très vite ce nom lorsqu’ils découvrent qu’il existe déjà un groupe américain nommé The Films. Le symbole convenait à tous, mais, selon les propos de Joe Newman, s’appeler Alt-J permettait de créer un décalage qui leur plaisait, acceptant par la-même de devoir régulièrement expliquer les raisons de ce choix.

La première sortie d’Alt-J, An Awesome Wave, porte en revanche plutôt bien son nom, puisque c’est bien l’effet d’une vague impressionnante nous arrivant dessus que l’on ressent en écoutant les premières compositions. L’album est tout simplement une perle au milieu de l’océan des sorties de l’époque, en 2012. Porté par des chansons très fortes comme Tesselate, Matilda ou encore Breezeblocks, il ne faudra pas longtemps aux jeunes Anglais pour attirer l’attention. Ils sont courtisés par plusieurs labels et ils auront même la chance de pouvoir choisir celui qui leur convient le mieux. La production de l’album bénéficiera d’une grande liberté, pour notre plus grand plaisir et c’est flagrant à l’écoute.

Joe Newman, principal chanteur du groupe, possède, par exemple, une voix des plus particulières et maîtrisée de façon très sûre, mais tout autant étonnante, passant ainsi des notes les plus hautes au plus basses en un clin d’œil et sans difficulté. Un talent qui sera largement mis en avant de par les trois interludes proposés dans l’album, puisqu’avec Gus Unger-Hamilton, il s’adonne à des chants a capella très surprenants et pour le coup marquants. Cela devient même une marque de fabrique d’ailleurs assez impressionnante sur scène.

An Awesome Wave a été un succès critique et public, auréolé d’une tournée à travers le monde et de performances scéniques à la hauteur des attentes. Les chansons comme Taro prennent de l’ampleur en concert et le groupe fait régulièrement l’effort d’échanger avec le public. Gus Unger-Hamilton parle un peu français et ne s’en prive visiblement pas.

Le virage du deuxième album a donc tout pour ressembler à un panier de crabes pour Alt-J qui peut soit asseoir un statut de première classe, soit retomber dans l’anonymat. This Is All Yours, prévu dans les bacs le 22 septembre prochain, est un des albums les plus attendus de l’année. Mais il sera réalisé sans Gwil Sainsbury, la bassiste qui a quitté le groupe pour des raisons personnelles. Il n’a pas été remplacé alors que Thom Green, le batteur, est toujours là.

Lorsqu’on met la platine en route, il faut avouer une chose : on est bien à la maison ! Alt-J a son propre univers vers lequel on aime revenir. Avec impatience et un sourire collé au visage, on écoute les premières notes. Même si l’on s’y retrouve, l’album n’est pas pour autant une redite, loin de là. Il suffit d’entendre les premiers singles déjà sortis, dont Hunger Of The Pine, pour s’en rendre compte. Une introduction à la Alt-J, une voix toujours aussi lumineuse, une évolution musicale bien maîtrisée en intensité et en émotion et un son un plus électro, moins sautillant que sur le premier opus… On est en présence d’une chanson qui fera date dans la carrière du groupe.

Left Hand Free, deuxième single, est elle aussi assez différente et semble même venir d’un autre groupe, pas bien loin de la country par moments, mais qui développe des pistes laissées entrouvertes en 2012. Quant à Every Other Freckle, peut-être le single le plus intéressant, il renoue avec les sons particuliers auxquels nous ont habitués les Anglais. La variété des sons, les ruptures de rythme, les variations de voix, tout y est. Et que dire de ce solo de guitare au son si particulier qui termine le morceau en beauté ? Une vraie réussite.

Pour en revenir à l’album dans son ensemble, Alt-J produit ici quelque chose de plus intimiste et de plus resserré, ce que ne laissaient pas présager ces trois singles. Il y avait certes, de la fraîcheur dans An Awesome Wave, mais c’était aussi une compilation de chansons créées sans doute séparément, comme souvent pour un premier essai. Là, on sent immédiatement que l’album a été conçu comme une unité. Il suffit de regarder les titres dans l’ordre pour s’en rendre compte : en fait, c’est une invitation à un voyage à travers Nara.

Et ce voyage se fait finalement dans une ambiance plutôt calme. Non pas qu’Alt-J soit le groupe le plus excentrique et excité, mais on note quand même plus de lenteur et d’apaisement que dans le précédent opus. La première chanson, Intro, ouvre l’album tout en longueur et sans bousculer, pour finalement aller vers un territoire plus connu. Une belle introduction. Puis, le voyage commence avec Arrival In Nara, sur un rythme très lent. On sent qu’on veut nous faire profiter pleinement du moment. Et vient Nara, enfin, qui nous accueille avec quelques sons de cloches. Le rythme s’accélère doucement, sans précipitation. On se surprend de ne pas encore avoir été emporté par la musique, tout en étant intrigué par ce nouvel univers. La magie opère de nouveau avec Every Other Freckle et Left Hand Free, suivis d’un des fameux interludes, spécifiques à Alt-J, Garden Of England. Choice Kingdom reprendra ensuite le voyage, mais comme pour rééquilibrer l’ensemble, le rythme redescend de nouveau comme pour mieux introduire Hunger Of The Pine, très judicieusement placé dans la chronologie. La suite sera un enchainement de cinq chansons qui n’auront pas la force de frappe d’un Taro, même si The Gospel Of John Hurt vaut son petit pesant d’or ! Ce titre bousculera un peu l’ensemble à commencer par sa très belle intro. Nous aurons également droit à la suite de Bloodflood, en forme de clin d’oeil à An Awesome Wave. Cette deuxième partie connaîtra d’ailleurs une belle montée en puissance tout le long de ses cinq minutes.

Le désormais trio montre ainsi ses nouvelles capacités dans la maîtrise du son, lent et intense. Il maintiendra l’ambiance générale de l’album jusqu’à Leaving Nara, annonçant la fin du voyage. Cette dernière sera d’ailleurs une jolie chanson qui nous entraîne jusqu’à un finish quelque peu inattendu, nous abandonnant en plein milieu du morceau !

Alors si le sentiment de joie de retrouver Alt-J prédomine, on reste tout de même sur notre faim avec cet album qui s’évertue à faire quelque chose de propre, de beau, de différent, mais qui reste un peu trop sage pour égaler l’exceptionnel premier album. Les singles portaient pourtant en eux des espoirs assez forts. Ils sont d’ailleurs bien mis en valeur, mais quand bien même, il y a trop peu de chansons fortes. En privilégiant l’univers et l’ambiance, Alt-J prend le risque de désarçonner. Un risque à saluer, car il en vaut franchement la peine et qu’il empêche le groupe de faire du surplace, ce qui est en soit un signe à la fois de vitalité et de qualité. Sans doute un problème de dosage. Malgré tout, on reste convaincu par This Is All Yours, qui avec le temps et les écoutes, se bonifie.

Alt-J – This is all yours, sortie le 22 septembre 2014 (PIAS)

Note: ★★★★☆

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