LE FILM

Avec la trilogie Le seigneur des anneaux, Peter Jackson a réussi une somme définitive et monstrueuse dans le monde du cinéma en général et dans le genre de l’heroic fantasy en particulier. En adaptant le roman fleuve de Tolkien, le Néo Zélandais a produit à un an d’intervalle trois films de près de trois heures chacun (dans leurs versions en salles), avec un nombre record de plans truqués par la société d’effets spéciaux WETA et qui a reçu pas moins de 17 Oscar au total. Une œuvre absolument gigantesque, qui flatte l’imaginaire et vers laquelle on revient régulièrement, sans se lasser, d’autant plus que malgré les années, les effets spéciaux sont loin d’être devenus obsolètes.

Annoncé de cette façon, un tel succès pourrait paraître une évidence. Pourtant le pari était loin d’être gagné d’avance pour de multiples raisons. Il fallait déjà réussir à condenser la masse d’informations contenue dans les romans, d’un point de vue narratif, de la complexité des enjeux et du nombre de personnages. Ce qui signifie être dans la capacité de tailler dans un texte très dense, parfois long et descriptif, tout en flattant une communauté de fans très prompte à hurler à la trahison. Il fallait aussi réussir à incarner visuellement et esthétiquement tout l’univers issu de l’esprit de Tolkien, déjà abondamment illustré et très ancré dans l’imaginaire collectif.

Le fait que Le seigneur des anneaux trouve un tel retentissement chez les lecteurs et les spectateurs tient sans doute aussi à sa nature qui touche à la notion fondamentale du bien et du mal, ainsi qu’à l’accomplissement d’un récit d’apprentissage héroïque. Tolkien l’a écrit comme une allégorie de la seconde guerre mondiale, Peter Jackson a insisté sur la figure christique de Frodon et son parcours apparenté à un chemin de croix. On ne pouvait pas imaginer qu’une adaptation du Hobbit puisse égaler une telle ambition formelle, narrative et thématique, le roman antérieur à la trilogie de Tolkien étant un texte beaucoup plus court, avec une écriture très fluide et simplifiée qui se destine plutôt à un jeune lectorat adepte de mondes merveilleux, de dragons et d’elfes. Nulle symbolique du nazisme ici pas plus que de référence biblique, Le Hobbit est un récit d’apprentissage plus classique dans son propos et potache dans son esprit. [LIRE LA SUITE]

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LE BLU RAY

La stratégie Warner autour de la sortie vidéo des adaptations des romans de Tolkien par Peter Jackson est désormais bien rôdée. Une sortie ciné dans les semaines qui précédent Noël, une édition simple quelques mois plus tard, puis un gros coffret pour la version longue, accompagné de goodies divers – presse-livres, statuettes, maquettes, etc. – et de bonus conséquents, histoire de préparer le terrain du film suivant en salles. Après avoir mis en œuvre ce plan marketing pour Le seigneur des anneaux, c’est maintenant à la trilogie Bilbo le Hobbit qu’il adapte son calendrier, dans l’attente pré-Désolation de Smaug où tout fan hardcore est à l’affût de la moindre nouveauté. On n’ira pas dire ici qu’on ne savait pas que Warner oblige le consommateur à repasser à la caisse. Il faudrait faire preuve de beaucoup de mauvaise foi ou être très naïf pour n’avoir pas vu venir le « coup ». L’édition d’Un voyage inattendu datée d’avril dernier contenait trop peu de bonus pour être tout à fait honnête (deux heures de web episodes – promos déjà vues sur le net – en tout et pour tout). Il va donc y avoir pléthore de blu-rays de la version courte en vente sur Ebay et le Bon Coin dans les jours qui viennent, les early buyers voudront s’en débarrasser pour se procurer la version extended qui arrive maintenant dans les bacs, et qui sera sans doute au pied de nombreux sapins à Noël.

Douze minutes de métrage en plus et une dizaine d’heures de nouveaux suppléments en HD, voici ce que contient le coffret Le Hobbit – Un voyage inattendu, Version Longue. Inutile de revenir sur les prestations audio et vidéo du film en lui-même, le studio ayant disséminé tout cela sur plusieurs disques, point de mesquinerie concernant le transfert, l’encodage est solide et ne laisse voir aucun artefact de compression. Le film dispose de son propre blu-ray en 2D comme en 3D, de deux dvd et les bonus en HD sont regroupés sur deux galettes supplémentaires. Venons-en plutôt à ce qui justifie cette édition : les nouvelles scènes intégrées dans le métrage, qui ne changeront pas fondamentalement la donne : haters gonna hate, comme on dit. Ceux qui reprochaient au film la scène du repas chez Bilbon en seront pour leurs frais puisque deux autres séquences musicales s’intègrent dans ce nouveau montage. La première à Fondcombe, lors du repas où les nains se plaignent de la verdure qu’on leur sert à manger, et discutent de la beauté des femmes elfes. C’est drôle, la jovialité de la bande étant encore signifiée plus tard lorsqu’ils se baigneront tout-nu dans les fontaines de Fondcombe. La deuxième se situe lors de la capture des nains par les Gobelins, dont le roi pousse la chansonnette. La scène est plutôt hors de propos, car elle fait retomber la tension. Pour le reste, on notera essentiellement des différences au début et dans le milieu du film, avec des ajouts anecdotiques (Bilbon qui fait le marché pour acheter du poisson) ou qui font le lien avec la trilogie du Seigneur des Anneaux. La visite de Fondcombe par Bilbon ainsi qu’une discussion entre lui et Elrond où ce dernier lui offre l’hospitalité, explique la fascination du Hobbit pour le lieu et la retraite qu’il y mènera plus tardivement.

Concernant les bonus, le mot d’ordre pourrait être : exhaustivité. Un commentaire audio de Peter Jackson et de la co-scénariste Philippa Boyens revient sur la production et le tournage du film, les défis qu’il a fallu relever pour incarner le monde de Tolkien sur grand écran. L’autre gros morceau des suppléments consiste en de copieux appendices d’une durée de quatre heures et demie qui couvrent la quasi-intégralité de la production du film : les lieux de tournage en extérieur, les techniques de mise à l’échelle des personnages, l’analyse de différentes scènes-clé, les effets spéciaux, la généalogie des Nains, les concepts art, dessins de productions, costumes, décors, maquillage, les chansons… Difficile d’imaginer davantage de contenu puisqu’il faudra déjà passer de longues après-midi pour épuiser tous ceux compris dans cette édition-là, un must buy pour tout fan qui se respecte.

Note: ★★★★½

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