Comme chaque année, le festival des Inrocks fait escale à Toulouse. Avec toujours des têtes d’affiche moins affriolantes que le passage parisien, la programmation du lundi soir n’a malheureusement pas vraiment tenu ses promesses. Emmené par quatre groupes tous plus énergiques les uns que les autres, l’affiche avait pourtant de quoi secouer le public durant toute la soirée.

Ce sont les novices de Benjamin Booker qui avaient la lourde tache de lancer les festivités. Avec un son résolument rock garage, il n’y a pas de place laissée au doute, ni au round d’observation : ça envoie et puis c’est tout ! Auteur cette année d’un premier album éponyme plutôt bien accueilli par la critique, on découvre sur scène un trio à la mode américaine. On se retrouve directement transporté au fin fond de l’Amérique de par une musique aux connotations étonnamment blues. La jeunesse ne tarde pas à révéler cependant toute son inexpérience. Très peu communicatif, le groupe se contente d’envoyer un son, certes puissant, mais redondant. On le sait, il y a de la qualité, notamment une voix intéressante, mais le groupe – malgré quelques fulgurances – ne convainc pas vraiment. C’est trop brouillon, trop peu mélodique, trop peu surprenant. Disposant de très peu de temps sur scène, Benjamin Booker aura donné tout ce qu’il pouvait. Il est toujours difficile de passer en premier, mais on a connu mieux.

Après tout, Benjamin Booker a au moins l’excuse de sa jeunesse. Ce qui n’est pas le cas de The Orwells qui prend ensuite place sur la scène du Bikini. Les Américains en sont aujourd’hui à leur troisième album… Et quelle déception ! Certes, pas très âgé non plus, on n’en défendra pas pour autant la prestation du groupe. Emmené par Mario Cuomo au chant, déguisé pour l’occasion en une espèce de Marc Bolan blond, The Orwells semblait pourtant heureux de monter sur scène. Mais cela ne durera pas longtemps. Dépourvu de tout instrument, le chanteur semble s’ennuyer ferme sur scène, ne bougeant que pour aller boire un coup ou pour hurler dans son micro des mots souvent incompréhensibles. Encore une fois, il s’agit de Garage rock et le côté désinvolte peut évidemment être un contraste intéressant à une musique très énergique, mais encore faut-il avoir un minimum de charisme. The Orwells a produit hier une prestation digne d’un groupe qui se considère arrivé en haut de l’affiche alors qu’il n’est même pas encore parti. La chance n’était – en plus – pas vraiment de leur côté, le bassiste cassant assez sérieusement une de ses cordes en pleine chanson. Même si on aura pas vraiment vu la différence. Bref, le public ne s’y trompe pas, et c’est aussi peut-être une des raisons de la mine déconfite du chanteur, puisque la folie ne gagne pas les premiers rangs.

Il faudra attendre Parquet Courts pour en avoir pour notre argent. Enfin, on voit arriver sur scène un groupe simple et pro, laissant aux spectateurs prendre la mesure d’un son maîtrisé et d’un professionnalisme évident. Avec Sunbathing Animal, Parquet Courts non seulement confirme tout le bien qu’on en pensait, mais surpasse même en qualité un premier album qui a peiné à percer dans le milieu très formaté du rock international. Depuis 2012, Parquet Courts bénéficie d’une critique presse et professionnels favorable, et à juste titre. En 2013, au Festival malouin de la Route du Rock, les Américains avaient déjà réussi à se faire remarquer dans une programmation pourtant bien chargée. Et en cette soirée, la concurrence n’aura pas tenu plus longtemps que la durée de leur première chanson : dans le punk rock, en général, elles sont plutôt courtes. Parquet Courts, c’est le renouveau du punk à la Wire. On s’amuse à chaque chanson de trouver des liens avec ce groupe mythique. L’exemple le plus évident est la chanson Vienna II qui dure à peine plus d’une minute. Pour autant, les Américains ont su fabriquer une musique très contemporaine, rendant finalement assez ringardes les compositions actuelles similaires. Avec des chansons qui sont de petits tubes en puissance, tel que Bodies ou Black and White, ou des chansons plus anciennes et sauvage comme l’excellente Borrowed Time, Andrew Savage et ses copains touchent au plus juste un public qui n’en pouvait plus de ne pas bouger ! En fait, la différence de niveau vient de ce que Parquet Courts produit des chansons à la portée mélodique importante, malgré cette volonté de bruitisme. On retrouve par moments une petite touche de Television, comme dans Instant Disassembly ou Dear Ramona. Cela permet au groupe d’alterner entre des chansons puissantes, parfois même enchaînées entre-elles sans attendre les applaudissements et des chansons plus lentes, mais tout autant chargées de ce côté punk immédiatement reconnaissable. Et on ne boudera pas non plus les efforts d’Andrew Savage, ni d’Austin Brown pour communiquer un peu avec le public, avec en gage un running gag, pas forcément des plus fameux, sur le vin rouge que buvait le bassiste Sean Yeaton. Bref tout le monde était content, à la fois sur scène et dans la fosse, preuve en est des applaudissements nourris tout au long de la prestation convaincante de Parquet Courts.

On espérait alors la soirée lancée et on nous avait tant vanté les mérites de Palma Violets, l’autre tête d’affiche de la soirée. À l’origine d’un deuxième album, lui aussi plutôt bien accueilli par la presse, il n’y avait pas de place pour l’hésitation. Débarquent alors sur scène de jeunes gens très impliqués et motivés. A l’instar de Parquet Courts, il y a peu à redire sur la qualité sonore produite, nous sommes en présence d’un groupe qui tient bien la route en concert et c’est indéniable. Les Anglais font le show, prennent la scène parfaitement et lancent sans attendre les premiers rangs dans une frénésie immédiate. Les fans étaient donc présents et heureux de l’être ! Car franchement passées les premières notes, on se laisse complètement déborder par le comportement insupportable du bassiste du groupe Alexander « Chilli » Jesson. Sautant dans tous les sens, grimpant sur la batterie, se trémoussant sans arrêt, stimulant le public par de grands gestes, voilà comment faire sortir un public du concert. On n’écoute plus, on regarde le spectacle. Certains trouveront sans aucun doute en cela une dimension positive, montrant à quel point le musicien est généreux pour son public. Mais franchement, même si toute l’énergie des compositions vaut sans doute la peine de se déchaîner, rien ne justifiait un tel… « enthousiasme ». D’autant plus que Palma Violets ne produit pas non plus des compositions d’une rare qualité. Certes, le Garage Rock n’a pas pour vocation de faire dans la subtilité, mais là encore, on tombe très vite dans le pathos. Très peu de variations, de changements de rythme de mélodies accrocheuses, bref ça ronronne toujours la même rengaine. On s’ennuie ferme.

Sans doute, le garage rock a perdu de sa verve depuis plusieurs années, malgré des revivals réguliers et plus ou moins heureux. On sait aujourd’hui pourquoi cela peine à percer réellement. Finalement le punk a plus de raison d’être aujourd’hui, grâce à des variations musicales plus larges, à une trame de fond plus consistante et à des représentants plus convaincants et talentueux. Parquet Courts gagne par KO en très peu de rounds.

Benjamin Booker, Note: ★★☆☆☆

The Orwells, Note: ★☆☆☆☆

Palma Violets, Note: ★★½☆☆

Parquet Courts, Note: ★★★★½

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