La musique de Swans est une affaire de vie et de mort. Elle expérimente, explore des mélodies, des formes musicales à répétition, jusqu’à l’épuisement, puis explose, jusqu’à être réduite en cendres, et rejaillit à travers le silence ou bien la saturation des guitares. Le groupe en lui-même a cet ADN. Il est voué à mourir et à renaître, sous une autre forme, parfois bien des années plus tard. Seule sa tête de gondole, Michael Gira, résiste. A 65 ans, l’artiste a décidé de tuer les cygnes après 4 formidables albums, dont une trilogie qui restera dans l’histoire de la musique rock (voire de la musique tout court), puis de les ressusciter 3 ans après, en y intégrant de nouveau membres.

Pour cette nouvelle mouture, Michael Gira a de nouveau réuni, entre autres, les habitués Norman Westberg et Kristof Hahn, ainsi que le percussionniste Thor Harris. Le groupe a également été élargi d’une dizaine d’autres membres, dont la chanteuse Anna Von Hausswolff et sa sœur, Maria, la femme du chanteur, Jennifer Gira, le groupe de rock expérimental australien The Necks, où encore le musicien électronique Ben Frost. De quoi bouleverser la musique du groupe ? Pas vraiment.

Leaving Meaning poursuit les arabesques tracées par Gira et sa bande en 40 ans de carrière et 15 albums. Toutefois, il rompt légèrement avec le psychédélisme incantatoire de sa dernière trilogie, avale leurs sonorités tempétueuses et atteint la transcendance par l’accalmie. Attention, Swans reste un groupe tourmenté et des titres comme The Hanging Man et My Phantom Limb n’auront certainement pas leur pareil dans le paysage musical de 2019.

La violence est toujours présente, latente, mais Swans préfère la laisser dans l’ombre, ou du moins ne succombe jamais à sa tentation dévorante. Leaving Meaning n’est plus tant une œuvre de patience qu’un album de stase. Après avoir produit le son de l’extase lors de ses 3 précédents opus, Swans joue sa lente agonie. D’où cette succession de longs morceaux qui sonnent comme des volcans éteints (Leaving Meaning, The Nub, Cathedrals of Heaven). Seule la magmatique Sunfucker agit comme une réminiscence de ce paradis perdu. Swans retire de cette fin de l’extase une véritable beauté solennelle dont il avait déjà été maître sur le dytique White Light From The Mouth Infinity et Love of Life au début des années 1990.

Les multiples titres de dark folk qui ponctuent l’album renforcent d’ailleurs cette affiliation (Annalise, Amnesia, It’s Coming it’s Real). Gira semble également avoir trouvé sa nouvelle Jarboe dans le trio de voix féminines constitué par Jennifer Gira et les sœurs Von Hausswolff.

Leaving Meaning est surtout un album apaisé, d’un vieil homme chante la mort et le désespoir, mais également l’amour. La très belle What is This ?, toute en progression vers le sublime aurait pu donner une conclusion dans la douceur. Mais My Phantom Limb et son chaos tout droit sorti de Filthi termine finalement cette épopée de près de 2h. Comme un rappel que le monstre Swans ne fait que dormir. Leaving Meaning n’est pas une immense fournée du groupe, mais restera certainement l’objet le plus rock de 2019.

Note: ★★★★☆

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