Retour à froid, quinze jours après la sortie, sur le film de Valérie Donzelli et Jéremie Elkaïm. Quinze jours pour tout oublier. Quinze jours pour comprendre, au-delà du ressenti viscéral, pourquoi ce film si imparfait touche au cœur… A lire après avoir vu le film.

Ecrire sur La Guerre est Déclarée ? Quelle drôle d’idée…

Tout semble avoir été dit, analysé, commenté. Dès les premières projections cannoises, l’exercice critique a viré à l’unanimité. Des Inrocks au Parisien, des Cahiers au Figaro en passant par la fantastique Une de Libé, le message était élémentaire : celui qui n’allait pas voir le film de Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm était un salaud.

Et pourtant… La Guerre est Déclarée n’a rien d’un film évident.

Les partis pris formels sont radicaux et peuvent déstabiliser (mélange des genres, voix off naturalistes, montage saccadé « les doigts dans la prise », moment chantés, ellipses, …). Ils exposent le film à un effet «  Nuits Fauves » : comme le cinéma de Cyril Collard, aujourd’hui quasiment irregardable du fait de son allure datée, celui de Donzelli est profondément contemporain et pourrait mal vieillir.

Sur le fond, le spectre du film autobiographique-pleurnichard-voyeuriste est immédiatement hors sujet. Jamais le scenario ne prend le spectateur en otage et chaque moment dramatique trouve un écho comique (le téléphone Playskool, l’irruption d’une chanson, la discussion sur ce que craignent les parents de l’enfant bientôt opéré, …). Mais ce qu’on croyait être la morale de l’histoire est tout simplement balayé, au moment où on s’y attend le moins, par un twist final qui ôte le peu de confort que le fauteuil de cinéma offrait encore.

Deux semaines après la séance n’auront donc pas été de trop pour oublier tout ce qu’on a lu ou entendu sur le film. Et surtout pour laisser derrière soi le choc de la projection et l’émotion qui s’en dégage. Deux semaines pour comprendre, au-delà de ce ressenti viscéral, pourquoi ce film si imparfait touchait au cœur. Et par quelle magie a-t-on pu autant l’aimer alors qu’il se déroule, dans sa grande majorité, dans des hôpitaux et n’épargne aucune bataille contre le cancer d’Adam, contre la maladie la plus injuste qui soit : celle d’un enfant.

Revenir à l’essentiel, c’est se souvenir que les parents d’Adam s’appellent Roméo et Juliette. Que cette guerre là serait donc une tragédie. Qu’il allait s’agir d’un amour absolu. Et que rien d’autre ne compterait.

La tumeur d’un enfant. La peur du médecin et de l’hôpital. La force de la volonté. Tout cela explose à l’écran avec une rage et une fraicheur inédites. Mais le centre de gravité du film semble ailleurs.

Sa force, c’est de ne jamais parler d’autre chose que du lien qui unit les êtres. Le lien aux amis, aux proches, à la famille d’abord. Des alliés essentiels aux combattants du film. Seuls, ils ne sont rien. Et c’est là toute la vertu politique de cette guerre qui ne peut se faire sans s’appuyer sur l’autre.

Savoir faire confiance. S’abandonner. Admettre des pieux mensonges. Voilà l’une des clefs du film et, sans doute, l’une des explications de son succès : ce qui aurait pu être un récit auto-biographique et nombriliste vise bien plus haut.

Mais, c’est dans les cœurs de ses deux héros que se cache le vrai enjeu du film. Des cœurs « solides ; détruits, certes, mais solides »… Des cœurs qui ne peuvent plus aimer en temps de paix après avoir si longtemps fait la guerre… Ou plutôt des cœurs qui peuvent s’aimer éperdument, même si ce n’est plus de l’amour.

Roméo et Juliette ne vivent pas dans une comédie romantique. Pour qu’Adam vive, l’amour aura du mourir. Mais peut-être n’est-ce pas aussi tragique qu’il y parait.

Peut-être peut-on être ensemble, autrement. Peut-être peut-on être deux sans être en couple. S’en sortir plus forts, plus unis, plus liés encore. Regarder ensemble la mer et s’étreindre, encore. Et dans la « vraie vie », pour Valérie Donzelli et Jeremie Elkaïm, faire un film comme on aurait pu faire un enfant. Regarder ensemble l’écran, les réactions de la salle, écouter le silence du public quand vient le générique. Et s’étreindre, autrement.

Note: ★★★★☆

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