Quel régal ! On parcourt cette initiation croisée entre Étienne Davodeau, célèbre auteur de bande dessinée et Richard Leroy, vigneron comme on se délectera d’un grand cru.

Les deux hommes se sont côtoyés pendant plus d’un an pour mutuellement défricher de nouvelles terres mal connues.

De nombreux aller-retour entre ces deux mondes à l’affiliation peu évidente de prime abord égayent le périple : du chai à l’imprimerie, des vignes aux salons BD, des rencontres de viticulteurs à celles des homologues dessinateurs…

On savoure ce voyage.

Il en ressort avant toute chose une humanité où simplicité et complicité entre nos deux acolytes abreuvent chaque page.

Ils s’interrogent tour à tour avec une naïveté rafraichissante, ferment de la transmission de ces prenantes passions. Initié ou profane, on sourira souvent des dégustations instinctives de nos incultes du jour.

Tandis que Richard apporte une appréciation des plus critiques sur quelques maitres de la bande dessinée française contemporaine; Etienne préfère, gêné, des modestes bouteilles à des bordeaux classés.

De Château Margaux à Moebius, que chacun en prenne pour son grade !

Les réponses des connaisseurs demeurent toujours respectueuses du goût novice de l’autre. Elles viennent démystifier et ouvrir des univers par trop souvent élitistes.

Point de positions d’experts mais des hommes amoureux qui s’essayent avec brio, en montrant richesse et diversité de leurs domaines de prédilection, à nous offrir une nouvelle liberté assoiffant de découverte.

On rentre au cœur des fabriques où les similitudes sont nombreuses entre les façons de nos deux compagnons. Ils partagent une conception proche de la vie, fer de lance d’une même philosophie de l’artisanat, qui puise sa force dans la quête permanente du sens, une recherche à contre-courant.

A l’opposé des processus productivistes qui guident nos sociétés en recherche perpétuelle de croissance; nos artisans, bien plus que de prendre leur temps, le laissent agir !

Le contraste saisissant avec nos sociétés tant pressées qu’interventionnistes nous enivre. Ivresse immodérée qui nous fait un bien fou.

Cette vision partagée du monde se traduit également par des choix assumés mais jamais dogmatiques. Ainsi, la pratique bio jusqu’au-boutiste du créateur de vin blanc qui pousse le bouchon à la biodynamie et à la recherche du « sans soufre », est visitée avec finesse pour laisser la place à de nombreux échanges sur le scepticisme avoué de l’auteur.

Il est évité par là tant le vin aigre d’une admiration mutuelle facile que l’inscription dans la doctrine religieuse du bio ou de la nouvelle école de bande dessinée française.

On réfléchit toujours et toujours, et on s’engueule aussi !

Loin de l’univers de Oui (Richard) –Oui (Etienne), brèves moqueries et autres désaccords plus profonds parsèment les pérégrinations de nos inséparables passionnés.

Intelligence, finesse … et références à lire comme à boire (que l’on retrouvera de manière exhaustive en fin d’ouvrage) font des « Ignorants » non seulement un moment de découverte gouleyant mais aussi un délicieux dictionnaire amoureux du vin et de la BD qu’on souhaitera offrir à ses proches afin de ne pas avoir à leur prêter !

Note: ★★★★★

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