Bientôt vingt ans que les Tindersticks sont dans le paysage et dans notre univers musical. Presque deux décennies marquées par un hiatus entre 2003 et 2008 où le groupe de Stuart Staples a connu une longue période de crise, le temps nécessaire pour se réinventer et revenir avec un nouveau line up, un home studio dans la région d’Angers et une trilogie en forme de retour magnifique. Avec The hungry saw (2008), Falling down a mountain (2010) et The something rain(2012), les Tindersticks semblent à nouveau être touchés par une forme de grâce absolue après avoir frôlé la rupture. Autour de Stuart Staples, Neil Fraser et David Boulter, les membres historiques du groupe, sont venus se greffer de nouveaux musiciens qui ont injecté dans la musique et dans le son un nouveau souffle et une rythmique plus jazzy. Les Tindersticks donnent cette impression aujourd’hui d’être totalement décomplexés et plus ambitieux que jamais.

Quand on les voit s’installer sur la scène du Bikini, on se dit également que les Tindersticks ont (et ont toujours eu) une classe assez affolante. C’est l’un des groupes les mieux sapés et les mieux chaussés que l’on connaisse : costumes ajustés, chemises sans faux plis, vestons et revers de pantalons parfaits, le groupe est toujours d’une grande élégance, et affirme sur scène une attitude de confiance et de complicité. Si Stuart Staples est comme d’habitude très peu loquace, les yeux constamment clos de concentration, on capte entre les membres du groupe quelques sourires, des regards qui disent bien le plaisir qu’ils ont tous à jouer ensemble. On les a déjà vus cette année à San Sebastian, au mois de mars, pour un concert qui était davantage basé sur les morceaux calmes et atmosphériques, même si le groupe est capable de faire monter ponctuellement la tension. Ce soir, les Tindersticks joueront un set généreux d’une heure quarante cinq d’une énergie assez inattendue, beaucoup plus frontal dans les intentions.

Le concert s’articule pour l’essentiel autour des titres du dernier album, The something rain. La déception initiale de ne pas voir jouer Chocolate, qui ouvre le disque, on comprend mieux au vu de la set list le choix de laisser ce long titre de près de dix minutes de côté. Il n’aurait tout simplement pas trouvé sa place dans un set plus folk voire quasiment disco avec une nouvelle version de This fire of autumn qui pourrait affoler les dancefloors. Etonnant ! Le groupe reprend Townes Van Zandt (Second lovers song) et Neil Young (une version splendide de A man needs a maid). Stuart Staples interrompt l’intro de Factory Girls pour permettre «aux gens de discuter». Flottement sur scène et dans le public. Peut-être que le premier rang papotait, on ne percevait pourtant qu’un silence religieux à l’écoute de ce magnifique morceau qui sera finalement joué avant le rappel. A partir de ce coup de sang du chanteur, la set list s’éloignera de celle prévue sur papier. 4 : 48 psychosis est improvisée après un Frozen qui a déjà tétanisé le public par son ambiance de guitares saturées. Le groupe joue alors sans filets, affichant une cohérence totale. Vingt ans, disions-nous. Les Tindersticks ont atteint l’âge de la maturité et d’une jeunesse qu’on jugerait éternelle.

Photo : Frédéric Rackay (tous droits réservés)

Note: ★★★★☆

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