Nous avons découvert au « Paris International Fantastic Film Festival »  The Battery , premier long métrage de Jeremy Gardner où il revêt plusieurs casquettes, celle de réalisateur, producteur, scénariste et acteur. La salle se remplit très vite, en fond sonore la musique de Ténèbres des Goblin ne peut mettre que d’humeur festive. L’appétit fait gargouiller les estomacs et les intestins se contractent. Notre statut de spectateur nous plonge dans une avidité réjouissante. Nous sommes tous là pour consommer, pour dévorer des images jusqu’à l’étourdissement. Une masse d’humains hystériques en attente de nourriture cinématographique, voilà ce que nous sommes, et en ce sens nous ressemblons fatalement aux zombies de Romero. Serge Chauvin n’avait peut être pas tort en affirmant que La Nuit des morts vivants est un film profondément matérialiste et que les zombies ne sont finalement que le reflet de la société.

The Battery a été tourné en deux semaines pour la modique somme de 6000 dollars. On sent ce manque de moyens dans la représentation rudimentaire des zombies et les quelques problèmes de mixage du son. Mais ces détails sont très rapidement engloutis par la beauté des dialogues et la simplicité des situations post-apocalyptiques. Les mises à mort macabres sont délaissées tandis que la beauté féerique de la nature est privilégiée. Deux hommes issus d’une équipe de base-ball se retrouvent seuls dans cette immensité absolue. Mais au lieu de s’attarder sur des détails morbides comme le font la plupart des films ou séries de zombies avec des montagnes de corps, des villes en feu ou bien des lambeaux de corps éparpillés, Gardner axe sa caméra vers une araignée qui tisse sa toile, des arbres surplombant la forêt ou quelques gouttes de pluie. Il sublime avec candeur cette nature impératrice, si bien que la menace nous semble alors quasiment inexistante. Ce n’est pas tant la contamination qui va se trouver au cœur de la trame principale du récit mais la relation amicale entre deux individus que tout semble séparer. Nous retrouvons Ben, l’homme à la barbe hirsute et aux talents multiples qui pourrait aisément participer à Koh Lanta et Mickey, le romantique sensible en quête d’utopie. La fusion de ces deux personnalités discordantes offre des conversations amusantes, touchantes et émouvantes. Les rires sont nombreux dans la pénombre, et c’est avec enchantement que nous assistons à la naissance d’une belle complicité –un peu trop appuyée dans la séquence du champs de pommier qui ressemble à une mauvaise Pub pour Vivel Dop- et d’une union qui se veut presque fraternelle.

Le rythme est hélas décousu par moment, alternant séquences dialoguées et plans de marche accompagnés de musique. On est presque dans le schéma d’une chanson avec les couplets parlés et le refrain musical, ce qui va créer des longueurs difficile à maîtriser. Les plans contemplatifs ont été foncièrement blâmés mais à l’inverse, je les ai trouvés nécessaires. Le cinéaste dérobe des fragments de vie et le temps reflète ainsi les véritable secondes que constituent une minute. Nous oublions que le sang est rouge tant le gore est esquissé. Une belle métaphore éclôt lors d’une escale dans une maison abandonnée. Les deux personnages philosophent sur la peinture, abordant une fresque. L’un est dans la cuisine, l’autre dans le salon et le cadrage les enferme dans des bordures très symétriques, les ramenant eux même à la figure de tableau. La poésie est un étrange courant d’air dans ce long métrage, soufflant avec grâce sur certaines scènes et s’évaporant dans d’autres. Impossible de ne pas mentionner la fin de the Battery  qui se déroule en huis clos dans une voiture où nos deux protagonistes sont piégés, encerclés par des zombies déchaînés. Très vite, ils tapissent les vitres pour ne plus discerner ces créatures des ténèbres, et finalement le réalisateur aura mis un voile sur eux durant la quasi-totalité de son film. L’intimité, la solitude, l’espoir, l’amitié, le courage, la détermination, l’abandon, la tristesse. Ces mots paraissent si lointains, si artificiels, et pourtant ils sont tous abordés durant le dernier quart d’heure tandis que nous, nous retenons notre souffle. Gardener aura réussi à nous faire rire, nous apaiser, nous bercer puis dans un second temps, à nous mettre mal à l’aise, nous tourmenter, nous émouvoir et nous révolter.

The Battery est une agréable et étonnante surprise. Nous ne ressentons pas l’angoisse habituelle des films de zombie ou devant un épisode de Walking Dead, la sensation est différente. Ce n’est pas la peur de croiser des morts-vivants en rentrant chez nous le soir qui domine mais plutôt un sentiment de détente emplie d’une félicité qu’il est important de verbaliser. Ce film nous touche car il déploie avec intensité la beauté de la vie et de l’union de deux hommes. On en ressort léger, optimiste, confiant. Confiant en la vie. Confiant en l’être humain.

White Zombie, des frères Halperin (tourné pour Universal) est le précurseur du film de zombie, traitant du vaudou comme source du phénomène, instaurant cette figure au cinéma, reprise par la suite par la Hammer, les séries italiennes de Maciste ou les productions mexicaines de Santo. C’est en 1968 que Romero va définitivement rompre avec ce genre installé depuis plusieurs années en abolissant la magie (et donc l’explication sur le retour des morts) et favorisant l’effet de masse des zombies (métaphore d’un pamphlet politique) et leur côté sanguinaire, avec des cervelles qui giclent et des entrailles qui se déversent. Le second film que nous avons vu au PIFFF 2013 renoue quelque peu avec White Zombie, puisque les morts sont ressuscités par une sorcière gothique et vont se nourrir de chair humaine pour préserver leur ardeur.

All Cheerleaders Die est un remake d’un cour métrage réalisé douze ans plus tôt par Lucky McKee (May, The Woman) et Chris Sivertson (The Lost). Les deux compères décident donc de le retourner avec davantage de moyen. Encore en quête d’un acheteur potentiel, ce long-métrage retrace l’histoire d’un groupe de pom-pom girls qui cherche à se venger des joueurs de football américain de leur lycée, responsable de leur mort. La salle est davantage remplie, presque aucune place de libre cette fois-ci. La réputation de Mckee attirerait-elle davantage de monde ? May figure dans le genre de films qui marquent, qui entrent dans vos chairs et en abîment quelques tissus. On attendait donc beaucoup de ce long métrage et la déception a hélas prédominé. Un scénario de teen movie lambda, un montage hystérique rendant l’action illisible et confuse, un récit chaotique inclinant vers la stupidité. All Cheerleaders Die dérape avec lourdeur vers la parodie de mauvais goût des séries Z avec des effets spéciaux se voulant cheap mais sombrant finalement dans le grotesque.

La figure de la femme est mise constamment en opposition avec celle de l’homme. Dans un portrait stéréotypé jusqu’à la moelle, nous avons les quaterbacks machos, lâches et violents d’un côté, avec en face, des cheerleaders ultra sexualisées, athlétiques et décérébrées qui se réincarneront en zombies à mascara prêtes à tout pour se venger. L’effet est immédiat, c’est jubilatoire. Tandis que les visages des sportifs se liquéfient, les femmes arpentent fièrement les couloirs du lycée avec assurance et sex-appeal. Nous souhaitons que le châtiment soit à la hauteur. Que les talons s’écrasent dans les orbites des footballeurs. Nous voulons voir de la purée de testicule, si possible sous fond de Métal violent. Cependant, cette frénésie s’éclipse bien vite au profit de scènes absurdes, fades et rigides. Les héroïnes vont se déchirer entre elles pour des raisons aussi futiles qu’un plat de pâtes mal cuites et l’affranchissement que nous attendions et qui leur était permis grâce à leur nouvelle force est radicalement mis de côté. Le postulat de base s’éparpille donc dans tous les sens, chaque direction étant plus mauvaise que la précédente. La jouissance sera cruellement amère. 

The battery – Note: ★★★☆☆

All cheerleaders die – Note: ★☆☆☆☆



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