C’est agaçant les années qui passent. Mais il y a encore pire : les gens qui vous le rappellent. Non content de prendre votre place dans vos bars préférés, de vous humilier dans le sport ou vous étiez auparavant imbattable, d’être toujours en forme alors que vous, vous accumulez les gueules de bois et les maux de dos, voilà que ces petits malotrus font de leur jeunesse un hymne. Ils le portent le revendiquent et l’assument.

C’est tout du moins le cas d’une toute jeune formation française. Oui, française. C’est rare mais par moments, notre si beau pays produit des petits miracles dont il serait dommage de passer à côté. Ce groupe, ce n’est pas les Concrete Knives, ni même Fauve. Non, c’est Juveniles. Pas simplement un mot, donc, plutôt un slogan. Car il y a deux ans maintenant, le single intitulé We Are Young raisonnait dans les rues rennaises comme l’arme fatale d’une jeunesse contre l’ennui (c’est souvent le cas), mais aussi contre le sommeil d’une ville autrefois bouillonnante de talents.

Il n’en faudra pas plus pour que le désormais célèbre et respecté label Kitsuné les repère rapidement et leur permettre leurs premiers faits d’armes, notamment lors de l’incontournable festival des découvertes et du contre-temps, à savoir les Transmusicales. Un endroit parfait pour la musique électro pop de Juveniles, qui est loin d’être dénuée d’influences majeures, aussi bien récentes que plus anciennes. Cela dit, en 2011, ils ne sont pas encore au centre des attentions en passant dans la petite – mais culte – salle de l’Ubu.

A l’époque, le groupe était encore un trio. Pierre Le Seven, bassiste du groupe, finira par choisir une carrière beaucoup plus stable en devenant dentiste au moment où l’album éponyme sortait dans les bacs… L’avenir dira si c’était le bon choix.

En attendant, le désormais duo, Jean Sylvain Le Gouic et Thibault Doray relève le défi de la scène et s’en débrouille plutôt bien. On aura d’ailleurs eu l’occasion de profiter de leur prestation à Toulouse, lors du festival des Curiosités 2012 où ils partageaient la scène avec Pony Pony Run Run et New Naive Beaters. Mais c’est véritablement l’année 2013 qui sera faste, puisque le groupe sillonnera plusieurs grands festivals comme les Vieilles Charrues ou les Eurockéennes tout en repassant juste quelques jours avant leur nouvelle date toulousaine par la case Transmusicales !

On en arrive alors au Connexion Café qui ce soir remplit la salle avec une belle affiche. En première partie, International Hyper Rythmique, malgré un nom un poil long et pas tellement facile à porter, fera le job en proposant une musique assez personnelle et loin d’être déplaisante. Plus sobrement appelé IHR, le trio familial toulousain (deux sœurs, un frère), nous propose ce qu’ils appellent une pop atmosphérique. Le nom est pour le coup plutôt approprié tant les sonorités proposées permettent de s’évader. On en est quelque fois troublé par une batterie qui se réveille presque trop peu souvent. Sans véritable batteur, les chansons manquent par moment de corps, même si le charme du groupe tient sans doute de cette idée. Chaleureusement applaudis par un public qui les aura sans doute déjà croisés dans d’autres salles de la Ville rose, IHR a sans doute une carte à jouer dans les mois à venir !

La place est donc toute chaude pour Juveniles. Le duo est accompagné dans cette tournée de deux autres compagnons qui sont loin de faire de la figuration, à tel point qu’on croit difficilement en un duo lorsqu’on ne les connaît pas. Les petits nouveaux seront par ailleurs de façon élégante présenté au public, au gré de leurs solos respectifs !

C’est largement rodé par une tournée qu’il n’avait sans doute pas imaginé faire cet été, et fort un album produit par Yuksek, qui n’est pas le premier venu, que Juveniles va facilement s’emparer d’une salle encore un peu plus remplie. Et les voilà donc, tous les quatre, nous racontant leurs histoires de jeunes adultes ! La plupart des textes concerne des problématiques connues de la jeunesse, il aurait été malvenu d’en être autrement! D’ailleurs, si vous hésitez encore sur la prononciation du nom du groupe, sachez qu’il se prononce comme vous le voulez, aussi bien à la française, si vous êtes chauvins, ou à l’anglaise, si vous êtes hautains ! Bref, peu importe, comme quand vous étiez ados !

Musicalement parlant, Juveniles ne laisse forcément pas indifférent. Ce qui frappe dans un premier temps, c’est surtout la voix de jean Sylvain Le Gouic. Déjà sur platine, elle est sidérante de pureté, elle renvoie directement à un Morrissey aux plus belles heures des Smiths. Mais sur scène, et bien c’est exactement la même chose. Il suffit d’entendre la superbe chanson Logical pour se rendre à l’évidence. Il s’en dégage à la fois une justesse et une sensibilité qui portent littéralement les compositions. D’ailleurs, cet atout imparable est plutôt mis en avant, ce qui ces derniers temps est assez rare. Le chant étant souvent noyé dans des effets sonores en tout genre.

Mais l’influence des Smiths s’arrêtera-là, car musicalement on se rapproche largement plus d’un bon vieux New Order des débuts des années 80. L’influence de la Factory de ce Madchester magique de l’époque continue encore et toujours de faire vibrer les générations qui se succèdent.

Sur scène, les chansons s’enchaînent assez rapidement et naturellement. Jean-Sylvain est on ne peut plus à l’aise derrière son micro et fait participer ces compagnons en les invitant à le rejoindre pour partager ce micro, dès que cela est possible. Les titres-phare tardent par ailleurs à venir, mais malgré tout, le Connexion Café est en mouvement. Difficile de résister à cette musique calibrée pour le Dancefloor comme par exemple All I Ever Wanted Was Your Love, qui pourrait très bien aller à un groupe comme Hot Chip, par exemple. Et puis Fantasy finir par venir. On en parierait presque d’entendre du Poni Hoax, mais en réalité il s’agit bien du dernier single, véritable missile, sorti il y a maintenant quelques mois dans les bacs. Les esprits s’échauffent !

Entre-temps, on aura pu apprécier des chansons comme Strangers ou plus encore Washed Away, qui dans leur construction basée sur une lourde basse, est un bel hommage (sans forcément l’être) à Kavinsky et autres Chromatics, mais aussi à des perles comme Summer Nights ou l’esprit new wave n’est finalement jamais très loin.

Et puis, il est aussi une chanson qui restera longtemps et sans aucun doute possible, une référence du groupe. C’est d’ailleurs déjà le cas puisqu’il s’agit de l’un de leurs plus anciens, et il y a fort à parier qu’il a joué un grand rôle dans la création du groupe. Il s’agit de We Are Young, une vraie belle chanson de bout en bout. Intervenant, au moment le plus propice du concert et calmant ainsi un peu les débats.

Et non content de rester sur un concert de très belle facture, Juveniles nous gratifie en plus d’un nouveau titre, intitulé Truth, qui risque lui aussi de faire parler de lui. Ils auront également le très bon goût de ne pas nous infliger un faux rappel, et c’est suffisamment rare pour être signalé et même largement salué.

Bref, on a assisté ce soir-là, à quelque chose de très intéressant, qui mériterait vraiment que l’on s’attarde dessus, car mine de rien, ça bouge de plus en plus en France et on espère que ces vagues se transforment au plus vite en raz-de-marée. Même si ça serait reconnaître que ces petits jeunes ont raison de déjà nous considérer comme des vieux !

Note: ★★★★☆

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