L’attente était forte, pour le nouveau film du maître de l’animation japonaise, une nouvelle fois présenté comme son « dernier film ». Le résultat est une réussite totale.

Le vent se lève raconte l’histoire d’un enfant qui s’accrocha jusqu’au bout à sa première passion, l’aviation. Si Jiro dépasse rapidement sa déception de ne pouvoir devenir pilote due à sa myopie, en décidant de devenir ingénieur, celui-ci ne réalise pas encore qu’il ne pourra construire que pour l’armée et sera malgré lui voué à participer à la guerre et à l’échec de son pays.

L’ultime chef-d’œuvre de Miyazaki se révèle au fur et à mesure être une longue épopée à l’instar des plus grands films du réalisateur. Mais la différence de taille est que Le vent se lève retrace une période de temps beaucoup plus étendue. Non pas un instant de rêve, mais toute une vie de création que le film retrace en laissant une impression, contradictoire, de rêve. Une promiscuité entre rêve et réalité crée par le langage de Miyazaki : les sons de la première partie du film ressemblent étrangement à des voix humaines, une multiplication des scènes de rêves rarement annoncées, un trouble temporel qui informe tardivement le spectateur des ellipses. Aussi, le film est l’antithèse complète d’un biopic habituel où les charnières narratives se trouvent dans la progression sociale du personnage. Ce qui compte c’est l’imaginaire même de Jiro qui se développe durant tout le film, il continue son travail en dormant. Peu lui importe d’être présenté comme un génie ou d’être au service de l’armée. La seule chose qu’il a en tête est son rêve d’enfant : atteindre le ciel. L’ironie du sort veut que sa myopie le sauve du destin funeste des pilotes d’avion en temps de guerre.

Mais le réalisateur ne fait pas du contexte géopolitique le centre de son film. La force de Le vent se lève réside dans sa capacité à garder un point de vue subjectif : au-delà du déni que le personnage fait face à la réalité de la société, le personnage se fait dépasser par les événements. Et malgré son âge, c’est à la manière d’un enfant qu’il reste bouche bée, face à un « problème bien plus complexe et vaste » qu’il ne pensait avoir à affronter. Jiro continue à rêver et persévère en suivant l’adage du maître Caproni (mentor à qui il se confie pendant ses rêves) : « Les avions ne sont faits ni pour la guerre, ni pour les affaires. Ils sont de beaux rêves ». Cette persévérance va jusque dans le sacrifice entendu de celle qui l’aime. Car s’ils doivent choisir de vivre longtemps séparés ou peu de temps ensemble, la question ne se pose plus. « Nous n’avons pas le temps ». Naoko, sauvée par Jiro des années auparavant, part du sanatorium et le rejoint en devenant sa muse.

La subtilité du film tient dans l’équilibre qui se joue entre le hors-champ du pays, qui n’est pas éludé, mais au contraire finement dépeint par des scènes qui façonnent le quotidien du personnage (mais jamais ne bouleversent le sens de l’action) et son avancée créatrice que rien ne vient entraver. C’est cet équilibre qui crée la beauté de cette histoire, celle d’un homme qui, pour le meilleur et pour le pire, tentera de vivre son rêve.

Note: ★★★★★

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