Lorsque l’on épluche le calendrier des concerts toulousains à venir et qu’apparaît de façon assez inattendue le nom de Neutral Milk Hotel, on se sent quelque peu dubitatif. S’agit-il bien d’eux ? Est-ce une tournée de promo pour une hypothétique nouvelle galette ? Est-ce un simple retour sur scène pour le plaisir des fans malheureux de n’avoir jamais pu les voir ? Est-ce juste pour le pognon ? Difficile à dire au premier abord.

Afin d’appréhender convenablement cet événement, il est bon de rappeler quelques éléments importants de l’histoire du groupe. Formé en 1989 dans le Colorado, N.M.H. se nomme dans un premier temps Milk, le temps de trois sorties discrètes sur cassette. Jeff Mangum, chanteur et guitariste, s’entoure de personnalités variées en provenance d’Elephant 6, collectif de Denver comptant plusieurs formations dont Of Montreal et les excellents The Apples in Stereo.

Mangum et ses potes traversent la première moitié des 90’s en livrant leur premier EP, Everything Is, en 1994, puis leur premier album On Avery Island, deux ans plus tard. N.M.H. chante l’enfance, l’amour et la mort sur un son crado et dissonant, mais jamais sans mélodie.

C’est en 1998, avec comme principale influence le Journal d’Anne Frank, que sort In the Aeroplane Over the Sea, véritable perle psyché/folk/lo-fi considérée par beaucoup, et à juste titre, comme l’un des plus grands disques de la décennie 90. La formation obtient la reconnaissance critique et le statut de groupe culte. 

Il s’en suit alors… Et bien finalement, assez peu de choses. N.M.H. disparaît de la surface de la planète musicale, ses membres menant différents projets solos (Jeremy Barnes crée l’envoutant A Hawk and A Hacksaw et participe à la consécration de Beirut, Julian Koster sort un album de Noël de scie musicale…). Fin 2011, la discographie complète du groupe est rééditée sous la forme d’un box set vinyle, mais n’intègre aucune nouvelle composition.

Après tant d’années de silence et d’exemples récents de revival en demi-teinte (oui, Black Francis, c’est bien à toi qu’on pense), il est logique de se sentir fébrile quant-au retour d’un groupe de cette trempe. Et ce ne sont pas les centaines d’heures d’écoute répétée de leurs (trop) rares enregistrements qui arrangent les choses. On pénètre dans la salle du Métronum avec une certaine crainte, la peur d’être irrémédiablement déçu par quelque chose que l’on apprécie tant.

Jeff Mangum entre seul en scène et démarre la prestation de la façon la plus appréciable qui soit en interprétant Two-Headed Boy. La première minute suffit pour se rassurer : la voix si singulière du chanteur, nasillarde mais profonde, stridente mais émouvante, se pose parfaitement sur la rythmique de guitare nerveuse. Les acolytes rejoignent leurs instruments pour entamer logiquement The Fool, prolongement parfait de l’introduction. Et c’est à ce moment précis que l’on comprend pourquoi ces messieurs reprennent du service. Leurs bobines enjouées affichant un réel plaisir d’être présent, l’attention portée aux instrumentations, la fougue mêlée subtilement à la délicatesse, N.M.H. est avant tout là pour faire plaisir et pour se faire plaisir.

La mise en scène est sobre. Le groupe reste concentré sur sa prestation. Julian Koster (qui mérite à l’unanimité le prix du gars le plus adorable du monde) passe aisément de la basse à l’accordéon tout en posant les notes de scie musicale, indispensable au son du groupe. Les cuivres sont tour-à-tour mélancoliques et tonitruants. La batterie emmène sans souci ce beau petit monde. La magie opère. On est à la fois entraîné par le rythme et touché par le chant. Tout ce qui fait que l’on aime (ou déteste) de N.M.H. est là.

La programmation fait également honneur à la courte discographique du groupe. Les morceaux s’enchaînent proprement, alternant entre titres cultes (Holland, 1945, The King of Carrot Flowers) et pépites moins célèbres (Song Against Sex, Naomi). Oh Comely, apaise et transcende la performance, à l’image de sa place dans l’album culte. Le concert se conclue au bout d’une heure et quart sur une excellente interprétation de Engine, chanson de l’époque où N.H.M. n’existait encore en tant que tel.

On sort de la salle rassuré, un peu déçu quant-à l’absence de réelle surprise, mais ravi d’avoir pu apprécier un groupe aussi rare en live et ému par la sincérité qui anime chaque instant de leur performance. N.M.H. sur scène est fidèle à l’image que l’on a lors de l’écoute sur disque : spontané, dégingandé, percutant, créatif et diablement enivrant.

Note: ★★★★½

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