Le cinéma Coréen tel que l’Europe ou en tout cas le public français le perçoit, semble se diviser en deux catégories, à savoir un baroque grand guignolesque ayant donné certains des plus grands films de la décennie, entre The Host, Old Boy ou The Murderer, puis un pendant naturaliste – avec des cinéastes comme Lee Chang Dong, Im Kwon Taek – dans lequel se situait également un cinéaste comme Kim Ki Duk, avant de rejoindre l’autre bord, où plutôt de faire se rencontrer étrangement deux aspects d’une des cinématographies les plus excitantes depuis plusieurs années.

A Girl at my door est un film naturaliste. Situé dans une petite ville portuaire, vue au travers des yeux de l’héroïne comme un nouveau départ malheureux et pénible, ce décor sera le théâtre d’un drame qui lui permettra pourtant de se défaire de son passé immédiat. Doona Bae joue le rôle d’une policière lesbienne, visiblement professionnelle et talentueuse, mais mal acceptée par ses collègues et supérieurs. Après un incident plus ou moins nommé, elle est donc mutée dans ce petit village, univers dans lequel elle fera la connaissance d’une fille d’une douzaine d’années, rencontre qui aura son importance.

En déplaçant l’action hors des grandes métropoles que l’on sait, July Jung nous montre une Corée, donc la Corée. Les grandes villes ultra-modernes sont hors champ, donc elles sont là et ce village autarcique, au fonctionnement corrompu, nous dit très certainement quelque chose de l’état actuel du pays. L’économie tourne autour de la pêche et la plupart des travailleurs sont des sans papiers quasi exploités, sans cesse menacés d’être renvoyés chez eux par un patron violent et alcoolique, également le père de la jeune fille précédemment citée… L’adolescente, comme le décor, s’imposera à Young Nam (la policière) et elle devra faire avec, voir dans le corps et le cœur du décor comme du personnage ce qui cloche, ce qui ne marche pas et peut-être tenter de faire quelque chose.

L’histoire que le film raconte, soit une histoire intimiste entre une policière au creux de la vague et une adolescente instable, a deux destinataires. Le premier étant le spectateur, ému, surpris, admirant le talent et l’osmose des deux actrices, regrettant parfois ses larmes artificielles qui coulent un peu trop fréquemment sur les joues des actrices, mais se réjouissant de l’emploi de la nuit américaine par la réalisatrice. Le deuxième destinataire est la Corée et ses paradoxes, ce spectateur particulier étant directement intégré au scénario, puisque l’histoire à laquelle nous venons d’assister passera au tribunal des mœurs. Young Nam sera jugée, n’arrivera pas à s’expliquer. Voilà la plus grande qualité du film, nous faire partager une histoire simple, dure et éprouvante pour les personnages, mais avançant en s’élevant, comme un parcours initiatique qui les rendrait plus forts. Puis, faire tomber le récit dans les mains de l’autorité, de la justice aveugle dont le raisonnement ne peut s’appliquer aux images que le spectateur a encore en tête, créant en quelque sorte une injustice cinématographique.

Le film se terminera apaisé, en pleurs, mais apaisé, après avoir revêtu les vêtements noirs du thriller psychologique pervers. Si des petites faiblesses du côté du rythme et de la mise en scène des séquences de crises se font parfois sentir, le film gagne par le mélange des visages, ayant besoin l’un de l’autre, celui de la femme responsable, mais rejeté et celui de la fille plus jeune qui ne peut que pleurer face à ce que la vie lui impose.

Note: ★★★½☆

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