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The Mountain Goats est le nom de groupe cachant le nom d’un seul individu : John Darnielle. Depuis ses premiers enregistrements dans les années 90 et ses chansons composées avec les Mountain Goats, Darnielle n’a cessé de mêler des récits autobiographiques à des récits de personnages divers, avec une musique folk-pop à l’appui, parfois inventive, parfois fade, s’effaçant derrières les paroles, quant à elles toujours dignes d’intérêt.

Beat The Champ est le quinzième (!) album des Mountain Goats, ajoutant ainsi quelques histoires au répertoire déjà très conséquent du groupe. L’album, et ce dès la pochette, s’immerge dans le milieu de la lutte professionnelle aux États-Unis, et particulièrement dans le sud du pays. Les chansons parlent donc de lutteurs et lutteuses luttant donc, entre eux, mais également contre leurs vies parfois difficiles, contre l’âge ou la mélancolie. Rarement le groupe n’aura été aussi loin dans le modèle du concept-album. Ici les souvenirs d’enfance de Darnielle concernant les lutteurs se confrontent aux vies réelles ou fantasmées de ces derniers. Les morceaux oscillent entre ballade mélancolique de l’avant ou après le combat, le doute du sportif, ses peurs et des morceaux plus énergiques, les combats eux-mêmes donc.

Si l’on a pu à juste titre reprocher à Darnielle de ne réaliser que la moitié du travail en ne faisant de la musique qu’un support à ses paroles, on ne peut ici que s’incliner devant des morceaux qui semblent êtres joués et chantés pour la premières fois, sans pourtant jamais contenir de réelles trouvailles ou inventions. Le chant de John Darnielle racontant ces histoires inhabituelles est extraordinaire, le chanteur se transforme presque en un performeur jouant les vies qu’il raconte, redevenant enfant devant sa télévision, attendant que son lutteur préféré, possible père de substitution, démolisse son adversaire en bonne et due forme.

Se replonger dans l’album c’est à chaque fois revenir vers cet univers singulier, celui de la lutte, c’est croiser ses personnages et les instruments qui les accompagnent, comme cette guitare sèche électrisée saisie à pleines mains, apportant une énergie ultra communicative à certains morceaux. The Legend of Chavo Guerrera, ou Choked Out, sans nouveautés apparentes, donnent tout de même l’impression qu’ils sont découverts à l’instant où ils commencent, qu’ils viennent de naître autant qu’ils font eux-mêmes naître une galerie d’individus de plus en plus réels et bouleversants au fur et à mesure des écoutes.

L’album est traversé de magnifiques moments de nostalgie dans lesquels se mélangent celle de Darnielle pour son enfance et celle des lutteurs pour une gloire perdue ou inatteignable, le magnifique Heel Turn 2 est peut être l’un des plus beaux morceaux du groupe, chanté avec une passion rare par Darnielle, tout comme Southwestern Territory ou Unmasked !, morceaux bilans de carrière, bilans de vies, entre gloires éphémères et déceptions douloureuses.

le combat se fait réalité musicale aussi bien que métaphore filée au long de l’album. Déplacements dans le temps, Darnielle entre maintenant et son enfance, les lutteurs qui vieillissent, déplacements dans l’espace pour se rendre aux combats, et un morceau introspectif chanté au passé accouche d’une chanson au présent, description violente et parfois humoristique (Foreign Object, notamment) de la réalité de la lutte. Beat The Champ est un album inattendu, arguant ce que de nombreux musiciens ne cessent d’affirmer, à savoir, la capacité de la musique folk à se réinventer avec pas grand chose, quelques histoires à raconter, une musique qui, guitare en mains, colle aux récits, et une conviction dans le fait que jamais tout cela n’est inutile, toutes les histoires sont bonnes à raconter, et le folk persistera tant que des gens continueront à être habités par cette croyance.

Note: ★★★★☆

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