Habituée depuis de trop longues années aux enquêtes policières et aux bonnes intentions, la production de séries françaises a depuis quelques années passé un cap avec l’arrivée de nouveautés intéressantes et de qualité. Il était grand temps de dépoussiérer l’étagère et de venir jouer la carte de l’exception culturelle dans la grande cour où règne sans partage l’oncle Sam.

Canal+ réalise ainsi une grande partie du boulot, là où les autres chaînes ont déjà cédé en programmant les soi-disant meilleures séries d’outre-Atlantique. The Mentalist, Les Experts, Castle et autres Grey’s Anatomy se sont emparé de nos écrans en prenant une belle part du temps d’antenne. Certes, Canal+ n’a pas échappé au phénomène en proposant elle aussi des séries américaines, mais elle a surtout eu la bonne idée de s’en inspirer en produisant des programmes qui valent vraiment le détour, comme Braquo, Engrenages et donc Les Revenants qui a achevé il y a peu son histoire. Enfin peut-être…

Bien entendu, les coûts de production restent bien en-deçà de ce qui se pratique aux Etats-Unis, et l’imagerie est sans doute moins porteuse et moins bien rendue à l’écran. Mais nombreux sont les exemples de super-productions qui se sont approché un peu trop près du soleil – au cinéma également – et finalement rien n’est plus important qu’une histoire bien construite, un scénario profond qui tient la route ainsi qu’une réalisation correcte.

Les revenants s’inspire d’un film du même nom sorti en 2004 et réalisé par Robin Campillo. Fabrice Gobert, showrunner de la série s’attarde sur les thèmes de la mort, du deuil, de l’acceptation. Un choix difficile tant il touche tout le monde et tant les approches sont variées. Une thématique cependant traitée de façon originale et mystérieuse. Dans Les Revenants, nous suivons l’histoire de quelques personnes décédées il y a plusieurs années qui reviennent chez elles comme si de rien n’était, en reprenant leur vie là où elle s’était interrompue. Ainsi, nous voyons évoluer Camille, une ado morte dans un accident de car, Simon un jeune homme qui devait se marier et attendait de devenir papa, mais aussi Serge un tueur en série, car il n’y a pas que des gentils qui reviennent.

A partir de là, Fabrice Gobert a tout loisir de raconter comment les proches se comportent et réagissent face à un retour tant espéré, mais finalement très gênant. Et quand l’acceptation de la situation est faite, il arrive bien vite une autre problématique : la confrontation à la société. « Ce n’est pas possible », « pourquoi toi et pas moi », « ce n’est pas vraiment un humain »… Bref, de quoi tenir plusieurs années sans tarir le sujet.

Auréolée d’une première saison très bien accueillie par la critique, mais aussi par le public, la saison 2 était très attendue. C’était le cas en 2013, lorsque cette deuxième saison aurait dû normalement être diffusée. En réalité, il aura fallu trois ans pour la voir apparaître sur les écrans. Les raisons sont restées tout de même très vagues pour expliquer la durée de cette attente, même si la difficulté d’écriture reste la principale. Le Showrunner explique, lors d’une interview, que différentes hypothèses ont été travaillées et qu’il a fallu revoir beaucoup d’éléments abordés en saison première pour assurer une continuité à la fois cohérente et de qualité.

Ainsi la précipitation a laissé place au travail, chose rare et plutôt louable, sauf que malheureusement, les envies des spectateurs sont volubiles et insatiables et le temps – trop long – entre ces deux saisons a été semble-t-il très préjudiciable.

La première saison très énigmatique avec des personnages très attachants mais dont le passé reste un mystère, avait laissé un goût de reviens-y très prononcé. Le petit Victor et sa relation avec Julie est sans doute l’histoire la plus percutante. Chaque épisode s’attarde sur l’un des protagonistes révélant ainsi au compte-goutte des éléments de compréhension. On comprend également l’enchevêtrement des histoires entre les personnages rendu tout à fait crédible par le fait que les événements se passent dans un petite ville où tous se connaissent.

Il est intéressant de voir le traitement des sentiments de chaque personnage. Pour beaucoup d’entre eux, il aurait été opportun de développer davantage les traits de caractère et la relation aux autres. Il y a souvent des non-dits pour plus de mystère – et c’est un point positif -, mais aussi des raccourcis pour maintenir une logique, et cela se ressent. C’est dommage, car par moments, c’est trop grossier pour y croire. Ainsi, certains personnages pâtissent d’un manque de développement par rapport à  ceux mis en avant, comme celui de Julie, excellent de bout en bout, et interprété par Céline Salette, mais aussi celui de Jérôme joué  par Frédéric Pierrot.

Ces lacunes restent de mise dans la saison 2, mais à vrai dire, on se laisse tout de même porté par l’histoire qui tient toujours ses promesses, même si le flou règne souvent. Le travail scénaristique est des plus intéressants et donne systématiquement l’envie de poursuivre l’aventure, d’en savoir plus.

La saison 2 est un ton en-dessous de la première, la faute à une nécessité d’apporter des réponses et de rendre les choses un minimum réalistes. Le besoin de crédibilité va empêcher la série de débuter sereinement cette nouvelle étape et sans doute lui coûter aussi quelques téléspectateurs. Un passage obligé pour l’histoire qui reste cependant toujours envoûtante. Les pièces du puzzle semblent se réunir enfin, mais pour autant bien des choses restent en suspend, à commencer par ce petit Victor interprété par Swann Nambotin, un casting parfait soit-dit en passant. Ce sera d’ailleurs le fil rouge de la série, le lien entre tous.

Il est possible en visionnant les deux saisons de relever des incohérences, pour lesquelles on peut trouver des réponses en étant bien attentif et en ayant l’esprit plutôt ouvert. Après tout, n’est-il pas déjà incongru de faire revenir des morts ? Si l’on accepte cette idée, d’autres le peuvent également. A ce petit jeu, Fabrice Gobert a fait en sorte que de cette saison 2 puisse à la fois être un finish potentiel à la série, plutôt convaincant en soi, mais aussi le début d’une saison 3 qui pourrait s’appuyer sur plusieurs éléments qui sont pour le coup franchement restés dans le flou le plus total. Par exemple, le devenir du couple Adèle-Simon et de leur enfant, mais aussi de Serge, Milan et Audrey, qui ne sont visiblement pas présents à la grande réunion.

Au final, Les Revenants est une série plutôt réussie et qui aura su s’exporter même si son adaptation américaine, The Returned, a été un véritable flop. Le tout porté par une bande originale de très belle facture réalisée par l’un des groupes préférés de la rédaction de Versatile, à savoir Mogwai.

Il est trop tôt pour dire qu’il y aura une troisième saison, la tendance étant plutôt une réponse négative. Cela dit, qu’en sera-t-il dans trois ans ? Peut-être est-ce le rythme de croisière pour cette série. Dans tout les cas, difficile au fond de savoir si cette troisième saison est souhaitable ou non. Parfois il est sage de savoir s’arrêter.

Note: ★★★★☆

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