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Durant les années 70, à la faveur de « contre-soirées » organisées dans le Bronx par et pour tout ceux qui ne parvenaient pas à entrer dans les salles de danse, le vinyle trouve une nouvelle forme de vie. Le funk rencontre un souffle incroyable permettant une régénération insoupçonnée. L’heure est aux DJ et la mouvance hip hop se lance allégrement, ressortant des œuvres magnifiquement oubliées et une nouvelle forme de chant. Et alors que le monde s’ouvre aux synthétiseurs, l’industrie du disque voit dans les chanteurs de rap une opportunité facile pour faire de l’argent en touchant un public qui était encore jusque-là peu considéré. Ce choix annonce pour les DJ une longue période de disette dans l’ombre des grosses machines hip hop, d’autant plus que les samples deviennent une nouvelle forme de création et qui plus est, très simple à mettre en place…

Mais la mode est un éternel recommencement. L’histoire et la technologie ont évincé progressivement et sûrement le vinyle, une aubaine pour les DJ qui ont pu durant les années 90 refaire surface grâce à des fers de lance aussi géniaux que précurseurs, comme DJ Shadow ou encore Kid Koala. Ces derniers auront l’idée folle de briser les frontières et d’emprunter aussi bien au rock, au trip hop ou au jazz, tout en utilisant leurs platines et marqué ainsi le début du retour du vinyle.

Quelques années plus tard, à l’orée des années 2000, nous retrouvons Birdy Nam Nam, un quatuor de génie qui remporte d’ailleurs en 2002 le DMC (Disco Mix Club) qui récompense la meilleure équipe de DJ chaque année depuis 1999 (sa catégorie individuelle existe, elle, depuis 1985). Une consécration pour le groupe qui lui permettra en 2005 de sortir son premier album et à ce jour, son meilleur.

Birdy Nam Nam, est un collectif composé de DJ Need, Crazy B, Little Mike et DJ Pone, ce dernier ayant cependant quitté le groupe en 2014. En 2005, son album éponyme est une révélation. Il met en avant le turntablism, c’est à dire le fait d’utiliser et de créer de la musique grâce aux platines vinyles. Auréolés de leur titre, qui sera pour la petite histoire remporté pour les quatre années suivantes par un autre groupe d’importance, à savoir C2C, Birdy Nam Nam met véritablement en scène cet art dans des shows dignes de ce nom et avec des compositions émérites et flamboyantes. Son titre phare Abbesses, est une perle dans un océan de technicité et de créativité. Le succès est au rendez-vous, à tel point qu’un album live est dans les bacs à peine un an après la sortie de son album.

Une carrière exemplaire jusque-là, portée par un deuxième album qui a le mérite de ne pas reproduire à l’identique son prédécesseur. Manual For a Successful Rioting va pousser en 2009 la musique de Birdy Nam Nam dans des beats plus directs et plus grossiers. Lors de sa tournée, il croise la route d’un certain Skrillex qui contribuera à le faire connaître davantage en remixant un titre des Français. Mais la finesse et la recherche du quatuor se perd un peu et ce constat trouvera visiblement une résonance chez les Français, puisque l’album Defiant Order en 2011 se voudra un mix des deux extrêmes et sans doute son album le moins bon.

DJ Pone décide à la fin de cette tournée de suivre son propre chemin laissant Birdy Nam Nam voler de ses propres ailes. Et voilà comment nous arrivons à ce 21 janvier 2016 où l’on retrouve le désormais trio en concert dans la salle du Bikini à Toulouse.

C’est après huit longues années que nous recroisons sa route. Impressionné par leur concert aux festival des 3 éléphants sur le nouveau site sur Laval, on s’attendait bien évidemment à quelque chose de différent et nous n’avons pas été déçus.

Arrivé dans une salle qui affichait complet (il a fallu ouvrir la partie haute), on constate que la renommée Birdy Nam Nam est toujours bien présente. Et auprès de plusieurs générations, puisque nous croisons à peu près tous les âges dans la salle. Nous arrivons alors que la première partie, Dogg Master, entre en scène. Nous n’attendions à vrai dire pas grand-chose de cette première partie qu’on découvre ce soir-même. En solo, nous découvrons donc les compositions qui musicalement sont assez intéressantes, reprenant pas mal de choses à la funk et au disco, avec cette fameuse pointe hip hop véritablement incontournable. Mais la chose se gâte très vite avec l’utilisation à outrances d’un « talkbox », outillage visuellement intéressant puisque son utilisateur tient un tuyau dans sa bouche, et qui a à peu près le même effet qu’un vocoder à savoir modifier le son d’une voix. On passera du coup un long moment à entendre péniblement des chansons plutôt bien construites mais massacrées par cet artifice qui nous renvoie directement à du mauvais R’n’B. On s’en serait bien passé et le résultat aurait sans doute été bien meilleur.

Mais nous étions surtout là pour voir Birdy Nam Nam, nouvelle mouture, et son entrée en scène est plutôt réussie avec une chanson d’intro très grandiloquente, et qui en impose d’entrée. Le son est irréprochable, fort et dur. Le beat est grossier et on reconnaît-là les derniers éléments de la musique des Français. Il faut dire que ce n’est pas tout fait celle qu’on apprécie le plus. Mais le public semble conquis durant cette première partie qui est assez puissante, à tel point qu’on semble trouver des notes de Makina, un style qui nous passionne très peu. On est d’ailleurs frappé en ce début, de l’usage massif des boîtes à rythme, un peu aux dépends des platines pourtant largement mises en avant.

C’est donc péniblement qu’intervient la première prise de parole de Little Mike qui semble comblé par l’accueil du public toulousain. Il introduira par la suite la nouvelle entrée sur scène de Dogg Master venue partager quelques instants avec la tête d’affiche. Un mélange inédit encore une fois pas désagréable mais la talkbox gâche décidément tout, et on verra Dogg Master prendre une bien trop grande place dans ce concert, une place incompréhensible puisqu’il restera pendant plusieurs chansons sur scène. Il sera d’ailleurs hué par une partie du public à son départ, au grand désarroi de Little Mike quelque peu surpris de cette réaction. Quelques échanges avec le public confirmeront d’ailleurs cette déception.

C’est alors que Birdy Nam Nam reprend les choses en main. Dans un set beaucoup plus travaillé et plus fin, les compositions de qualité semblent enfin arriver. C’est dans des rythmes plus lents, où la puissance fait place à la maîtrise que les Français excellent. Ils n’ont plus besoin de prouver quoi que se soit et dans ce domaine plus introverti, plus explorant et ancré dans leur propre univers, ne faisant référence à rien d’autre qu’à leur propre style que Birdy Nam Nam touche enfin sa cible. Une belle partie de plaisir nous attend alors jusqu’à l’arrivée de nouveau de sonorités plus connues et qui empruntent beaucoup à des artistes comme Daft Punk ou Justice. À ce petit jeu, les Français ne peuvent rivaliser au regard de la popularité de ces groupes, et sont donc facilement taxés de copiage, au mieux d’hommage. Pas de quoi rendre grâce au travail de Birdy Nam Nam.

Little Mike annonce alors la dernière chanson, celle qu’on attendait tous, la fameuse Abbesses dont on se demandait bien si on allait en voir la couleur. Mais elle est bien là, annoncée comme il se doit, le chef-d’œuvre du groupe. On découvre alors une mouture déjà présente dans des concerts précédents mais ô combien moins tranchante que la version originale. Si on comprend aisément les raisons pour lesquelles cette chanson a autant évolué, il est tout même inquiétant que ses auteurs ne voient pas à quel point elle perd de sa vigueur et son sens dans cette version plus contemporaine et lente. Utiliser de vieilles recettes a parfois du bon.

Le rappel aura le mérite de re-secouer tout cela, dans un finish assez puissant et plutôt réussi, mais qui ne comblera malheureusement pas les nombreuses lacunes constatées en cette soirée. C’est fort dommage, connaissant le potentiel de ces bonshommes qui ont un temps été au sommet dans leur domaine, mais qui semble-t-il auront cédé trop de terrain aux influences extérieures et à l’air du temps. Nous avons largement préféré le Birdy Nam Nam qui imposait son style à ce Birdy Nam Nam qui suit une mouvance qui n’est en plus pas forcément la plus excitante.

Note: ★★☆☆☆

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