Le festival de la Route du Rock vient tout juste d’annoncer les premiers noms de son édition 2016. Véritable contre programmation de l’été, la Route du Rock offre chaque année une originalité qui vaut son petit pesant d’or. Affichant régulièrement des artistes qui ne se présentent pas dans les autres festivals, tout en pariant sur des espoirs, le festival a quelque fois vacillé, mais a souvent trouvé la bonne équation.

Regroupant comme un groupe de rock ses fans inconditionnels, la Route du Rock connaît une trajectoire unique et cette dernière annonce est l’occasion de faire un petit focus sur les dix dernières années qui en ont vu passer des artistes, qu’ils soient déjà en haut de l’affiche comme Sigur Ros, Massive Attack ou The Smashing Pumpkins ou qu’ils y arrivent par la suite comme Radiohead, Interpol ou The National.

Voici donc un petit retour sur les concerts qui nous ont le plus marqués depuis 2005, l’année où le cru a attiré le plus de monde au Fort St Père. Une sorte de Best Of loin d’être exhaustif.

2005 – The Cure

Jamais nous n’avions vu autant de monde au Fort St Père. Le festival à taille humaine a fait le plein ce soir-là, un record qui tient toujours d’ailleurs, preuve de la vitalité du mythique groupe anglais. Robert Smith et sa clique devait défendre leur album éponyme sorti l’année précédente, mais l’intention a été toute autre. À la faveur de l’enregistrement d’un DVD live (Festival 2005), le groupe va reprendre l’ensemble de sa discographie pour le plus grand bonheur de ses fans. Le festival a d’ailleurs pour l’occasion programmé un groupe de moins dans la soirée du samedi afin de permettre à Cure de jouer plus longtemps, comme il en a désormais l’habitude. Du coup, tout y passe, 27 chansons tout de même, dont trois issues de l’album The Cure et quelques raretés comme The Baby Screams, mais surtout Signal To Noise, face B de Cut Here, elle-même bonus du Greatest Hits de 2002. Les deux rappels au thématique respective de Seventeen Seconds et Three Imaginary Boys finiront par clôturer un set époustouflant, où aucune chanson n’est décevante ou manquante. Il est admirable de voir à quel point The Cure, qui reste tout de même assez basique dans sa mise en scène (peu de communication, peu de visuels), parvient à transcender le public et à le subjuguer pendant plus de deux heures trente (en festival). La faute à des chansons (nombreuses) devenues des classiques. À ce jour, la Route du Rock ne regrette pas d’avoir fait ce choix ! Même Sonic Youth le lendemain ne parviendra pas à rivaliser comme on le pensait.

2006 – TV On The Radio

Cette année-là, nous avions également de quoi faire. Entre Franz Ferdinand, au sommet de sa gloire, Belle and Sebastian toujours très rares, Cat Power qui à cette époque encore pouvait annuler un concert en dernière minute ou encore ces grands fous (mais pas pour les mêmes raisons) de Mogwai ou de Katerine. Mais le concert qui nous a le plus marqué reste celui des Américains de TV On The Radio. Il fallait un certain cran pour relancer la machine à rock après le passage un peu soporifique de Cat Power. La troupe à David Sitek, seul blanc sur scène, n’a eu aucun mal à faire chauffer la fosse et à combler un public demandeur. Auteur à l’époque d’un excellent deuxième album Return To Cookie Mountain, beaucoup plus dynamique que son premier opus, les ingrédients étaient là pour nous combler. La fougue sur scène de Tunde Adebimpe entraîne tout le monde dans son sillon, sa voix faisant le nécessaire pour nous porter. Les Américains aussi efficaces sur scène que sur platine, nous réjouiront avec des chansons comme Providence et Snakes and Martyrs ou encore Playhouse d’autant plus qu’ils se font rares sur le sol français et qu’on aurait bien aimé recroiser leur route à l’occasion de la sortie de Seeds en 2014.

2007 – Sonic Youth

De retour après un premier passage en 2005, les Américains nous proposeront ce qui deviendra par la suite une récurrence à la Route du Rock, à savoir jouer un album mythique de A à Z. Outre Sonic Youth, Dominique A en 2012 et the Notwist en 2015 se sont prêtés à ce petit jeu. La bande à Thurston Moore nous aura ainsi régalé avec l’album magistral Daydream Nation. Il fallait voir l’ambiance qui régnait au Fort, avant d’entendre les premières notes de Teen Age Riot, véritable pépite qui lance idéalement l’album et dans notre cas, le concert. La voix de Kim Gordon qui murmure Spirit Desire nous hérisse le poil avant de nous surprendre à sauter dans un élan commun au public, lorsque la chanson explose. Dans une maîtrise totale du son et du show, Sonic Youth nous offre une prestation qu’on est pas près d’oublier. Les traditionnels larsens sont toujours présents, comme sur l’album, mais bien moins nombreux que deux ans auparavant, ce qui nous permet de profiter pleinement du concert. Daydream Nation, joyau de Sonic Youth, nous remplit de joie et les Américains jouent les prolongations à l’issue de l’album en nous proposant d’autres tubes plus récents comme l’excellente Incinerate ou encore Reena et Jams Run Free. Bref, un album magnifique plus des tubes, que demander de plus ? Nous avons été régalés.

2010 – The Flaming Lips

Jamais nous n’aurons assisté à un concert aussi fou ! Non seulement les productions des Américains sont plutôt de bonnes facture, mais elles ont surtout la particularité d’être complètement issues d’un autre univers. Wayne Coyne, leader du groupe, est un fou furieux. Dans la volonté de faire d’un concert quelque chose d’unique, rien est laissé au hasard. Dès la deuxième chanson, le voilà dans une bulle gonflée d’air marchant littéralement sur le public. Les visuels d’une importance primordiale nous piquent les yeux tellement ils sont flashy. Mais quel spectacle. Pendant un temps, on en oublierait les chansons tant le public est sollicité par les énormes ballons, les confettis, les jeux scéniques. Mais les compositions collent à merveille. Le psychédélisme de Worm Moutain, l’énergie de See The Leaves font corps avec l’ensemble et Lazor Hands, magistralement mis en scène avec Wayne Coyne revêtant des mains gigantesques projetant des rayons laser verts, partout dans le Fort sur scène finissent de nous stupéfier. Cette image est d’ailleurs celle qui illustre le livre sur la Route du Rock qui vient d’être publié. Ce concert était une folie pure, une de celles dont on ne peut dire si on la revivra un jour.

2012 – Chromatics

Nous n’avions pas pu les voir lors de la sortie de leur premier album, Night Drive, excellent opus et sans doute meilleur que Kill For Love qui les a révélés au grand public, sous l’impulsion du film Drive. C’était donc avec impatience qu’on venait voir Chromatics, un peu noyés dans la masse d’amateurs sur le tard. Mais il faut dire que les Américains ont tenu leur rang. Malgré la présence de The XX un peu trop dans leur bulle, de Dominique A qui nous a proposé un excellent concert ou encore des petits nouveaux de Breton et surtout Alt-J qui a fait sensation, c’est bien Ruth Radelet et sa voix fluette qui nous aura le plus marqué. Lançant la mystérieuse Tick Of The Clock avant d’entrer sur scène, voilà comment nous mettre dans l’ambiance avant de lancer les hostilités avec la plus connue Kill For Love et la superbe Lady. Chromatics étaient clairement venus défendre leur dernier opus et on regrettera de ne pas avoir eu davantage de compositions du premier. I Want Your Love nous comblera tout de même. Le tour de force aura été d’avoir imposé à un tel point cette ambiance si particulière. Tous étaient concernés par ce qui se passait. Ce concert est passé tellement vite… En vouloir encore plus est sans doute le signe d’une prestation réussie.

2015 – The Notwist

Nous en avons déjà longuement parlé ici, l’année dernière a été fortement marquée par la prestation inoubliable de The Notwist, dans la salle de la Nouvelle Vague à St Malo. Les Allemands jouaient à l’occasion leur album fétiche, Neon Golden. Une série d’excellents morceaux (Pick Up The Phone, Pilot) entrecoupés de quelques prolongations de chansons tirant vers de l’electronica, un résultat savoureux et épique. Comme pour Sonic Youth, les rappels nous ont permis d’avoir en plus des tubes imparables, tels Kong ou Boneless. The Notwist avait déjà frappé fort en 2008, ils ont plus que transformé l’essai en 2015.

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