Pour cette deuxième soirée en terre briochine, nous avons décidé de passer notre temps dans le festival off d’Art Rock, c’est à dire dans les rues de la ville où année après année, les bars et les places fourmillent d’artistes de plus en plus talentueux les uns que les autres. Nous avons donc vadrouillé de bar en bar pour nous arrêter ici et là, et profiter des airs variés de la rue.

Notre chemin nous a menés vers un groupe insolite et plutôt convaincant dans son style, Johnny Montreuil dont le slogan pourrait être « Johnny Montreuil, un artiste de bar qui n’en a rien à foutre ». Ce rockabilly nous a séduit de long en large, autant de par les dégaines des membres du groupe, que de par leur prestation scénique, leur enthousiasme et la qualité de leurs chansons. En une représentation, nous avons pu retenir deux à trois refrains de chansons certes un peu farfelus par moments, mais qui mettent la pêche et ne parlent pas du tout dans le vide. Une très agréable surprise.

Art Rock a la volonté, depuis de nombreuses années faire s’entremêler les différentes formes d’art. Cette année, la peinture était à l’honneur et nous avons pu apprécier en ces après-midi ensoleillés, les expositions consacrées à Shepard Fairey, le sérigraphiste et muraliste bien connu pour sa campagne Obey Giant. Nous connaissons tous son fameux portrait de Barack Obama en bleu et rouge, mais surtout ce bon vieux Andre The Giant qui apparaît dans la plupart de ses créations. L’exposition retrace le parcours de l’artiste et propose toute une série de tableaux en lien avec le monde de la musique que Fairey affectionne particulièrement. Dans une autre exposition, le Street Art sera aussi à l’honneur, dans une galerie ou il fera bon traîner tranquillement.

Art Rock a également la particularité d’avoir créé Rock N Toque, des stands de nourriture avec des plats préparés par des cuisiniers étoilés, plutôt que les traditionnels sandwichs américains accompagnés de barquette de frites. Pour le même tarif, le plaisir est décuplé et la carte change pendant les trois jours. Un véritable succès et une excellente idée.

Art Rock propose donc différentes choses et devient bien plus qu’un festival musical. Mais cela dit, la grande scène reste tout de même le principal attrait du week-end. En ce dimanche, la programmation s’avère particulièrement alléchante. Elle débute avec Rover qui poursuit sa longue tournée présentant son deuxième album Let It Glow. Ouvrant les festivités, Rover tient bien son rang présentant des compositions convaincantes sans pour autant faire réellement décoller un public encore un peu clairsemé et toujours familial. Un horaire de passage toujours difficile mais bien défendu.

Comme à notre habitude, nous partons sur la scène B pour découvrir de jeunes artistes français qui commencent à être connus sous le nom de The Pirouettes. Voilà qu’un couple d’une vingtaine d’années se présente derrière des synthés et autres matériels électroniques, balançant des rythmes presque tous enregistrés, plutôt minimalistes, enjoués et chantants ou plutôt parlant en français ! Un parti-pris assez fort, notamment à l’écoute des paroles : il s’agit d’histoires de vie quotidienne assez basiques qui prêtent dans un premier temps à sourire, a priori ridicules, au mieux absurdes. Et puis, on se laisse avoir. On déconnecte un peu le cerveau pour se dire que ces textes vont finalement à l’essentiel, parlent de choses simples que tout le monde connaît et remplissent assez bien l’objectif qui est de faire passer un agréable moment. Issu pour moitié d’un excellent groupe qui a également fait parler lui, Coming Soon, The Pirouettes bénéficie d’une excellente publicité et il se pourrait qu’on le recroise dans les années à venir.

Passé ce moment surprenant, c’est une tout autre histoire qui nous attend sur la grande scène, car c’est Jeanne Added qui prend la suite. Elle n’a pas encore l’étoffe d’une tête d’affiche, mais c’est clairement une des raisons de notre venue ce soir. Déjà vue en concert à Toulouse, nous retrouvons une Jeanne sur une scène tellement grande, qu’elle s’accompagne d’un membre supplémentaire. Devenue beaucoup plus à l’aise avec le public, Jeanne Added va utiliser la totalité de l’espace, passant régulièrement d’un côté à l’autre. Le concert est très simple, il va reprendre l’ensemble des chansons de l’unique album de l’artiste, se permettant de prolonger cependant certains titres phares comme Back To Summer en mettant à contribution le public. Jeanne Added possède d’excellentes chansons qui lui permettent de faire le job et d’avoir dans cette tournée un show très bien rodé et tendu. Sa voix est toujours superbe et fige instantanément n’importe quel auditeur qui ne la connaissait pas encore. Le concert est donc d’excellente facture, mais sans réelle surprise pour ceux qui l’ont déjà croisée. Un grand moment du festival.

Car la grosse cote arrive ensuite. Sans doute le concert le plus captivant du festival, celui réalisé par les Français de Feu! Chatterton qui ont terminé de convaincre définitivement les derniers sceptiques. Les Parisiens assez nombreux sur scène et tirés à quatre épingles, produisent une pop rock très raffinée et travaillée, qui n’oublie jamais l’efficacité. Ajoutez à cela un texte au style marqué et stylisé et vous avez quelque chose qui ne peut que réussir. Fort d’un passé scénique déjà très fourni et d’un premier album très bien accueilli, Feu! Chatterton ne trahit pas sa réputation. C’est littéralement envoûté et porté par l’énergie que le public s’enflamme et fait corps avec le groupe. Véritable dandy, Arthur, le chanteur et leader du groupe prend le temps d’échanger avec le public et parle comme s’il lisait des poèmes. Les titres-phare explosent et résonnent entre les rangs, Boeing ou Fou à Lier, d’autres apaisent par moments les énergies, comme A l’Aube. On est comme captivé par ce qui est raconté en musique et c’est sur un finish incroyable, La Malinche, excellent titre, que l’histoire se termine affreusement tôt, dirons-nous. Ce petit riff de guitare suivi du grand « Oh Oui » du chanteur tournera encore en boucle durant de longues minutes dans les têtes des spectateurs ravis de cette prestation volant sans aucun doute la vedette à la tête d’affiche Two Door Cinema Club.

Les Anglais, auteurs d’un excellent premier album, Tourist History, rempli de tubes dont les plus connus restent « la chanson du Loto » What You Know et aussi Something Good Can Word auront face à eux un public important. La place de la mairie affiche presque complet. Mais passé l’agréable surprise, comme souvent, d’un premier album et sans doute parce qu’ils payent également le fait d’avoir eu trop de succès trop vite et d’être un énième groupe anglais, il faut bien avouer qu’on n’a pas forcément pris un panard énorme sur le concert de Two Door Cinema Club. Beacon, second album passé presque inaperçu, associé à un charisme comparable à un étudiant en première année de fac, font des Anglais plutôt des outsiders, certes non négligeables, car très efficaces, mais pas vraiment des têtes de listes, notamment en comparant avec les prestations déjà observées sur le festival. C’est d’ailleurs avec difficulté que leur troisième album devrait sortir cette année, album qui est donc petit-à-petit dévoilé sur cette tournée. Les Anglais seront présents dans les principaux festivals d’été et feront des heureux tout au long de leurs compositions quasi uniformes. De notre côté, nous passerons cette fois notre tour pour nous concentrer sur des choses désormais clairement plus excitantes.

Et de l’excitation, il y en aura décidément eu sur la scène B d’Art Rock. C’est avec un plaisir tout de suite trouvé que nous rejoignons DJ Pone. L’ex membre de Birdy Nam Nam, à l’époque où ces derniers valaient la peine de se déplacer, prouve d’une façon tellement naturelle et frappante à quel point il est inventif et performant. Sur sa petite scène et accompagné de deux batteurs se faisant face, il produira des sonorités incroyablement fortes et dansantes. La prestation sur la grande scène de ses anciens comparses fera bien pâle figure. En solo, DJ Pone propose une electro plus agressive et puissante et n’a rien perdu de ses qualités qui ont fait de lui un champion du monde au DMC (Disco Mix Club). Une petite scène littéralement prise d’assaut pour finir la soirée au pied de la préfecture. Un grand moment, également.

Art Rock fermera ses portes après la prestation sympathique du groupe Hyphen Hyphen qui permettra de prendre un peu le temps et de profiter des derniers instants d’un festival qui mérite bien le succès qu’il rencontre. Art Rock vaut bien le déplacement.

Note: ★★★★½

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