Avec Comancheria, David MacKenzie livre une critique amère de l’Amérique en crise sous les apparats du film de braquage en terrain hostile. Une réussite brillamment exécutée.

Présenté cette année au Festival de Cannes dans la sélection Un Certain Regard où il avait fait forte impression, Comancheria est de retour en cette rentrée à Deauville pour le 42ème Festival du cinéma américain.

C’est le neuvième film du cinéaste britannique David MacKenzie et sans doute le plus réussi.

Fasciné par la mythologie des territoires américains et par le crépuscule d’une société vacillante, MacKenzie embrasse talentueusement les thèmes légendaires du grand ouest en conjuguant film de braquage et western aux forts accents péquenots.

L’ouverture du film est remarquable. En un panoramique circulaire d’une grande fluidité, agité par la musique originale de Nick Cave, on y découvre deux braqueurs qui s’attaque au guichet vétuste d’une petite banque en territoire comanche.

On y voit aussi furtivement une inscription sur un mur délabré : « 3 campagnes en Irak et pas de pitié pour des gars comme nous ».

La tension du film consistera à résoudre l’équation périlleuse entre justice sociale incarnée par ces deux frères braqueurs (Chris Pine et Ben Foster, tous deux remarquables) et justice légale incarnée par un Jeff Bridges au sommet, vieux flic lessivé par la poussière de l’Ouest et le sifflement des crotales, et son acolyte indien, soumis aux vannes xénophobes et affectueuses de son shérif.

Après la mort de leur mère, les deux frères organisent donc une série de braquages visant uniquement les agences d’une même banque. Ils n’ont que quelques jours pour éviter la saisie de leur propriété familiale et comptent ainsi rembourser la banque avec son propre argent. Ils sont pris en chasse par un couple de rangers bien décidé à les arrêter.

Parmi les nombreuses qualités du film, on retient sans réserve le scénario formidable de Taylor Sheridan, déjà responsable du scénario de Sicario de Denis Villeneuve.

On y retrouve le même sens du rythme et de la narration laissant toujours un temps d’avance aux protagonistes permettant aux spectateurs d’être maintenus sous tension pendant presque deux heures.

Certaines scènes sont incroyables, notamment celle où les deux frangins sont pris en chasse par les habitants sur armés de la bourgade d’un de leur braquage ou encore celle confrontant Chris Pine et Jeff Bridges comme un épilogue au film.

Et puis c’est aussi un grand film de territoire, à l’image des westerns de Hawks ou de Ford et plus récemment de Sicario. Le réalisateur se félicitait d’ailleurs que la sortie française reprenne le titre original du scénario, Comancheria, plutôt que son titre américain Hell or High Water (Contre vents et marées).

Car il s’agit de marquer au fer rouge le territoire du mal. Celui qui a vu sombrer tout une population colonisée à l’aune de l’injustice sociale et qui reproduit insidieusement son modèle sur nos sociétés contemporaines.

On y voit une Amérique gangrénée, intoxiquée par la marginalité, dans une misère sociale lancinante, où chacun a de moins en moins la liberté de trouver sa place. La décadence de l’american way of life.

« J’ai vu les gars qui ont volé la banque qui me vole depuis 30 ans » éructera un cow-boy de comptoir au flic qui l’interroge.

Tout est affaire de survie. Et c’est bien l’objet de la démarche des deux frères. Mettre à l’abri leurs enfants et petits enfants quitte à mourir.

Le rythme du film est tout aussi formidable. A la nervosité des braquages s’oppose le rythme slow motion des deux flics fondus dans le décor. Autre scène magnifique où les deux rangers planquent des heures à la terrasse d’un café, en plein soleil, devant la banque dont ils savent qu’elle se fera braquer.

Parmi les films de la rentrée cinéma, Comancheria est sans aucun doute une très bonne nouvelle.

Note: ★★★★☆

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