Après le suicide de Daniel, son frère jumeau, Willy, cinquante ans et l’âge mental d’un pré-ado, décide de quitter la ferme familiale pour la première fois de sa vie.

« À Caudebec, j’irai. Un appartement, j’en aurai un. Un scooter, j’en aurai un. Des copains, j’en aurai. Et j’vous emmerde! », lance-t-il à ses parents au moment du départ. Cette sentence va résonner pendant tout le film comme un leitmotiv et chacun des objectifs de Willy sera annoncé par un chapitre qui rythme son parcours dans la vraie vie.

Willy 1er est à la fois une fable, un récit initiatique et d’apprentissage, un film sur la liberté, le deuil, l’indépendance. C’est une crise d’adolescence tardive.

Tour à tour drôle et touchant, il commence avec un argument proche de Bad Boy Bubby avec un ancrage au pays des ch’tis qui convoque le cinéma de Bruno Dumont et sa langue du Nord si particulière. Nous ne sommes jamais très loin des sketchs de Groland, avec une justesse et une qualité du regard sur les personnages et des situations qui empêchent le film de basculer dans un voyeurisme malsain ou la moquerie gratuite.

On ne rit jamais des personnages mais avec eux, sans les observer de haut avec un regard ironique. Par exemple, la vidéo d’adieu à Michel que visionne la famille, véritable compilation de sentences naïves (« Un souvenir ne meurt jamais, il s’endort simplement ») bourrées de fautes d’orthographe, sur des images de fées, de dauphins ou de couchers de soleil issus des banques d’images les plus kitches, au son d’une chanson de variété, fait d’abord sourire par son côté a priori candide mais finalement touche le spectateur par la simplicité et l’authenticité de l’émotion.

Le film alterne d’ailleurs entre des formes esthétiques diverses. Les panneaux qui annoncent les chapitres sont composés avec des effets de masque assez grossiers. Les quatre (!) réalisateurs (issus de la première promotion de l’école de cinéma de Luc Besson) savent aussi faire du cinéma avec des plans joliment composés et photographiés, entre réalisme social et onirisme.

Mais surtout, Willy 1er, c’est son acteur principal, Daniel Vannet, repéré dans un reportage sur l’illettrisme. Exploité par son patron pendant plus de vingt ans parce qu’il ne savait pas lire son contrat de travail, il décide de reprendre sa vie en main et de réaliser ses rêves d’émancipation. Le film est en partie inspiré de ses propres anecdotes, son parcours de vie. Daniel Vannet, c’est un corps, à la fois massif et léger, un caractère plein de force et de bonhommie, qui peut passer en quelques secondes de la jovialité à la colère. C’est un vrai héros de cinéma, dont l’auto-laveuse est le véhicule, et son uniforme d’employé de hard discount le costume. Il doit surmonter des épreuves, trouver un alter ego avec qui faire son chemin de vie, affronter des méchants, qui profitent de sa crédulité.

Un personnage beau et vrai dont on ne doute pas qu’il saura trouver sa place dans nos mémoires de spectateurs.

Note: ★★★★☆

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