Le Paris International Fantastic Film Festival, se poursuit avec deux long-métrages en compétition : Realive de Mateo Gil et Unseen de Geoff Redknap, tous deux présentant une vision d’un corps morcelé, l’un en résurrection, l’autre en décomposition.

Dans Realive, le déni est la félicité utopique de ceux qui s’étouffent de trop rêver. Il permet aux âmes de trouver un souffle qui ne s’évapore jamais, il apaise les plaies béantes qui menacent de nous subjuguer, qui s’infiltrent jusqu’à devenir indissociables de nos craintes, de nos angoisses. Il est le repos éternel des égarés, celui qu’on revendique pour ne pas s’enliser. Il est le compromis de toutes les concessions. Le déni des sentiments, le déni de l’affection, le déni de l’amour, le déni de la mort. Et lorsque le cancer commence à faire des promesses, comment s’autoriser à vivre un instant de bonheur suprême ? Comment se satisfaire de son écho éphémère ?

Mateo Gil, davantage scénariste que réalisateur nous offre son troisième long-métrage à travers le prisme de la science-fiction. Le protagoniste principal, Marc, trentenaire actif, est atteint d’une maladie mortelle et décide donc de recourir à la cryogénie. Il se réveille ainsi soixante ans plus tard dans un monde « moderne » et « futuriste ». Sa résurrection est un véritable miracle ornée hélas de nombreuses imperfections physiques et psychologiques. On le nomme désormais le projet Lazare. L’ombre de lui-même. Mais il est vivant, c’est tout ce qui compte non ?

Si le postulat de départ offre de nombreuses réflexions philosophiques, la réalisation s’emmêle dans des flash-backs redondants et vides de sens. Pâle imitation de Terrence Malik, le long-métrage prend des faux airs d’une publicité Levi’s surexposée et une voix off à la mélodie pathos. Dans Realive, il est vrai que certaines réflexions nous captivent. Si le temps efface les plaies, en est-il de même pour les sentiments, peut-on guérir de ses propres souvenirs, le passé n’est-il pas qu’une image qu’on doit laisser à sa place, notre vie ne se termine-t-elle pas le jour où elle commence, qu’est ce qui définit réellement notre vie ?

Tant d’interrogations qui laissent place à des débats anthropologiques que l’on aurait aimé voir davantage approfondis plutôt que seulement survolés.

On regrette également la mise à l’écart de ce monde futuriste dont on nous prive – certainement faute de moyens -, le réalisateur nous enfermant dans un complexe hospitalier dernière génération où nous aurons accès à trois pièces, tout au plus. Les seules échappées de cette atmosphère froide et épurée résident dans les maladroits flash-backs qui ponctuent excessivement le récit et dont on finit par se lasser. Seule note positive, le casting convaincant composé d’étoiles montantes telles Tom Hugues, Oona Chaplin et Charlotte Le Bon.

Si dans Realive, on assiste un corps ressuscité en perpétuelle mutation, dans Unseen, le corps subit une transition bien différente : le réalisateur, Geoff Redknap, connu pour avoir réalisé de nombreux effets spéciaux (Deadpool, X-Files, Watchmen), possédait la volonté singulière de renouveler la figure de l’homme invisible au cinéma afin de lui donner une nouvelle dimension à l’écart des laboratoires ou d’autres expériences scientifiques.

unseen

Mettant en avant des effets spéciaux très minimalistes (usant du numérique seulement lorsque c’est nécessaire), Unseen offre des images percutantes et rêches, renouant avec un héritage propre à l’horreur des années 80-90, de Evil Dead à Chromosome 3 en passant par le récemment restauré et culte Basket Case. Le résultat n’en est que plus réaliste et prenant, mettant en scène avec justesse un homme qui devient peu à peu invisible. Le long-métrage prend également des tonalités de drame social et familial, puisque nous assistons aux retrouvailles d’un père et de sa fille.

Ici, l’invisibilité est traitée comme une maladie rare et violente où le corps s’effrite par morceaux. Les habituels scientifiques sont alors remplacés par de dangereux trafiquants d’organes agissant souterrainement. Et l’invisibilité n’est plus tant un don de la science qu’un virus héréditaire contaminant et excluant les protagonistes de cette histoire. Il ne reste finalement plus que cette belle histoire d’amour entre un père et sa fille, seul contre tous et magnifiée par un joli paradoxe. Absent de la vie de sa fille pendant la moitié de sa vie, il est dorénavant son unique tuteur et protecteur, alors même qu’elle ne peut plus le voir.

Pour un premier long-métrage, malgré quelques facilitées scénaristiques et un jeu parfois sur le fil, le réalisateur nous offre une œuvre originale avec une vision renouvelée du héros de H.G. Wells dont on gardera la lueur optimiste qui s’en dégage, en fin de parcours.

RealiveNote: ★☆☆☆☆

UnseenNote: ★★★☆☆

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