Après un démarrage qui réalisait le quasi sans faute, la collection hiver de la Route du Rock à St Malo proposait fièrement une deuxième et dernière soirée, confiante dans une programmation plus solide, avec des artistes plus connus à l’affiche. Le public ne s’y trompe pas, plus nombreux que la veille, à la Nouvelle Vague.

La soirée débute à peu près de la même manière que la précédente. Une salle encore peu fréquentée, un groupe de filles, cette fois-ci anglaises, toutes plus jeunes les unes que les autres, produisant un indie rock estampillé Rough Trade. Plutôt réservé et appliqué, Goat Girl peine à transmettre des émotions fortes au public. Les morceaux, dont on retiendra notamment leurs deux singles Country Sleaze, qui débute par une bonne grosse ligne de basse et Scum, avec sa ligne de guitare hésitante, sont plutôt de bonne facture. Le set est court, les chansons ne dépassent que très rarement les trois minutes. Goat Girl, qui manque sans doute d’expérience et de maturité, peine à se transcender et à emmener le public. Pour autant, le potentiel est bien là. On a hâte de découvrir un album et les futurs productions dont on ne doute pas de la qualité.

Sans doute serons-nous les seuls à l’évoquer, mais le brin de voix de Barbagallo et ses paroles, qui n’ont pourtant rien de ridicule, ne fonctionnent malheureusement pas sur nous. On peine à trouver du plaisir, même si Moitié de moi, Mungibeddu ou Nouveau Sidobre sont fondamentalement de bonnes chansons.

Celui qui monte ensuite sur scène est à l’opposé de Goat Girl. Fort d’une expérience désormais assez longue et plutôt impressionnante pour un petit gars né à Albi, il n’aura aucun mal à s’attirer les faveurs d’un public peut-être déjà conquis d’avance. Membre du groupe Aquaserge, déjà passé par la case Route du Rock en 2014 du côté de la plage, et surtout batteur du groupe mondialement connu Tame Impala, Barbagallo possède des arguments indéniables. Présentant son second album Grand Chien, le batteur s’installe sur son instrument devant une salle remplie à raz-bord. La scène est suffisamment exotique pour être racontée, puisque la bassiste qui accompagne ce soir-là le Français rencontre un problème technique alors même que le set vient de commencer. Continuant de façon très professionnelle son premier titre, Barbagallo est contraint de vendre la mèche au public qui de toute façon s’était bien rendu compte de la situation. Doté d’un humour et d’un sens de l’improvisation, Barbagallo s’en sort plutôt bien, échangeant avec le public pendant ce long épisode obligé. Mais passé ce moment de flottement, les compositions de Barbagallo peuvent s’étendre. Force est de constater la qualité intrinsèque à la fois du musicien et des morceaux. Mais ceux-ci ne font pas pour autant mouche à chaque fois. Sans doute serons-nous les seuls à l’évoquer, mais le brin de voix de Barbagallo et ses paroles, qui n’ont pourtant rien de ridicule, ne fonctionnent malheureusement pas sur nous. On peine à trouver du plaisir, même si Moitié de moi, Mungibeddu ou Nouveau Sidobre sont fondamentalement de bonnes chansons. Sans l’expliquer, on ne parvient pas à s’épandre devant le Français, même avec un peu de chauvinisme. Malgré tout, ne faisons pas la fine bouche devant la dernière chanson, un finish très fort musicalement et visuellement.

C’est maintenant l’heure de la tête d’affiche. Une grosse partie du public était effectivement venue voir Teenage Fanclub, actuellement en tournée à l’occasion de la sortie de Here, leur dixième album. La moyenne d’âge a pris un coup, que ce soit devant ou sur la scène. Et autant le dire tout de suite, Teenage Fanclub ne convaincra pas davantage que Barbagello. Les Anglais proposent une pop très classique qui a connu ses lettres de noblesse, mais qui visiblement résiste mal au temps. Et les nouvelles chansons comme I’m In Love sont certes sympathiques, mais n’apportent aucun renouveau avec cette impression de les avoir déjà entendues cent fois ailleurs. Sur scène, nos chanteurs et guitaristes préférés Raymond McGinley et surtout Norman Blake s’en donnent à cœur joie. Le sourire aux lèvres, ce dernier semble prendre un pied monumental devant un public très réceptif. On retiendra davantage le bassiste Gerard Love qui semble chanter toutes les meilleures chansons du groupe. Si nous ne sommes ni conquis ni vraiment déçus, le public est le seul juge de la prestation et a l’air plutôt convaincu.

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La suite promet bien des réjouissances, avec une nouvelle découverte à mettre à l’actif de cette édition hiver, les Françaises de Juniore, un autre groupe de fille qui réalise une excellente prestation. En tournée avec leur premier album Oh La La qui sort ce 3 mars 2017, les Parisiennes reprennent elles aussi les codes issus des années 80, voire plus anciens encore, puisque la référence qui nous vient immédiatement à l’écoute de l’excellente Marabout et plus généralement de ce son de guitare basse, est celle des B-52’s. Emmené par la très jolie Anna Jean, timide en apparence, mais finalement de plus en plus à l’aise au fur et à mesure du concert, Juniore captive autant qu’il fait bouger le public. Sans déclencher une folle euphorie, les Françaises remplissent le contrat haut la main. Il faut dire que les chansons Panique ou Difficile développent un potentiel extraordinaire qui ne laisse pas de marbre. Le groupe n’avait de toute façon pas attendu la sortie de son album ni même la Route du Rock pour faire parler de lui, avec notamment une reprise de C’est l’amour à la plage de Niagara, en duo avec les très bon Feu! Chatterton, dans l’émission Monte le Son sur France 4. Les filles restent cependant encore trop statiques sur scène malgré la présence incongrue de « la Chose », leur bassiste revêtant un déguisement de squelette recouvert d’un linge blanc et ne permettant pas de voir son visage. Une étrangeté qui en rajoute encore à l’originalité de Juniore et qui en fera à coup sûr un groupe avec lequel il faudra compter.

The Limiñanas va de surcroît se permettre de jouer des chansons entièrement instrumentales qui n’en seront pas moins frappantes. On est littéralement happés par l’ambiance et l’univers mis en place en deux temps trois mouvements.

Si Teenage Fanclub avait rempli la salle, Juniore est parvenu à garder une bonne partie du public, à moins que se ne soit la présence de The Limiñanas, dernier groupe à se produire et qui a donc la charge difficile de clôturer le festival. Avec un quatrième album sorti en avril 2016, ce groupe français a déjà fait ses preuves chez nous. Le visuel scénique de ces Perpignanais est impressionnant. Ils sont six sur scène, une estrade suffisamment grande pour les contenir confortablement, mais c’est pourtant dans un tout petit périmètre que tous vont se concentrer. La batterie (réduite à son plus simple appareil) est posée devant, sur le côté, imprégnant chaque chanson de son empreinte martelée de façon millimétrée. Et puis surtout, le groupe n’est éclairé par aucune lumière frontale, laissant le public entrevoir simplement des silhouettes s’agitant avec autant d’application que d’investissement. Une impression très forte et captivante qui convenait parfaitement à ce rock psychédélique qui nous a complètement conquis. Des morceaux comme El Beach, Garden Of Love ou encore My Black Sabbath, tous très différents, apportent tellement de tension et d’intensité qu’ils font mouche. The Limiñanas va de surcroît se permettre de jouer des chansons entièrement instrumentales qui n’en seront pas moins frappantes. On est littéralement happés par l’ambiance et l’univers mis en place en deux temps trois mouvements. On ne pouvait espérer meilleur concert de clôture après une soirée inégale mais d’une qualité indéniable.

Crédit photos :

Teenage Fanclub : Gwendal Le Flem
Juniore : Cécile Schuhmann

Note: ★★★½☆

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