Le retour des enfants terribles de la scène punk et rock danoise

Iceage vient de sortir son tant attendu quatrième opus, quatre années après le brillant Plowing Into the Field of Love qui les voyait s’écarter de leurs origines noisy et rageuse pour visiter des territoires plus larges, allant du rock à la country, tout en restant fidèles à leur goût prononcé du post punk de Joy Division et de Nick Cave and the Bad Seeds. Beyondless poursuit le reformatage du son du groupe, en s’essayant même à des tentations popisantes, très loin de la colère et l’abrasivité d’un Ecstasy ou d’un New Brigade. On sent évidemment la forte implication du charismatique chanteur Elias Bender Ronnenfelt qui avait profité du hiatus du groupe pour lancer son side project, Marching Church, dans lequel il s’essayait à l’Indie Rock. Ici, on ne dira pas qu’il parasite totalement la musique d’Iceage, qui garde toujours cette empreinte chaotique et contestataire, mais il arrondit les angles du précédent album et se met d’avantage en avant. On pense évidemment aux albums des Bad Seeds des années 1990 qui donnait l’impression d’être One Man Band par moment, comme sur les cultissimes Murder Ballads et The Boatman’s Call.

Toutefois, on ne devrait pas renier les parties instrumentales tant elle semble n’avoir jamais été aussi travaillées et riches chez Iceage. Des titres plus calmes et atmosphériques comme Take It All et Under The Sun s’acoquinent de cordes virtuoses (un violon) ou d’un piano pour densifier l’émotion des guitares. Jamais on aurait pensé les créateurs de White Rune parvenir à une telle maîtrise du temps et de l’espace sonore pour instiguer autant de sensations. Tout cela donne une atmosphère de film noir à Beyondless, cristallisé dans un duo brillant et pop avec Sky Ferreira (Painkiller) et un titre au romantisme désespéré magnifié par un saxo noir comme l’ébène (Showtime).

Pour les déçus de cette nouvelle transformation des danois, ils pourront au moins se consoler avec les morceaux plus directs et rentre-dedans qui parsèment Beyondless. Hurrah, The Day the Music Dies et surtout Catch It et son ambiance de western crépusculaire auraient pu tous les trois faire partie de Plowing Into the Field of Love, voire de You’re Nothing. Si tout ne brille pas de mille feux (on est moins convaincu par Plead the Fifth et Thieves Like Us), Beyondless est une démonstration que l’ouverture à une musique en apparence plus mainstream n’est pas synonyme de corruption et de facilité. En tout cas Iceage ne cesse de nous surprendre à chaque album, de meilleur groupe de punk de la décennie, ils pourraient bien rapidement prétendre au titre de meilleur groupe rock de la décennie.

Pour définitivement compromettre les sceptiques, il fallait ce rendre ce lundi 7 mai au Petit Bain, où Iceage y jouait une grande partie de son nouvel album, laissant de côté, avec une insolence totalement punk, leurs précédents efforts (Lord’s Favorite, Ecstasy et White Rune mis à part). Une manière aussi de montrer l’évolution stylistique du groupe en faisant apparaître sur scène un violoniste et un saxophoniste, venu étayer la fureur des garçons de Copenhague. La classe incroyable d’Elias Bender Ronnenfelt rayonnait sur tout le set, se montrant digne de ses idoles, Ian Curtis et Nick Cave. Surtout, on fut ravi de voir que le public ne s’était pas transformé en de gentils Bisounours. Du début à la fin un pogo et des slams prenaient place au milieu de la foule. Ce qui eu un véritable sens tant même les titres les plus sages de Beyondless sonnaient comme des déflagrations punks. Un putain de bon concert !

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