La comédie, sur nos exigeantes terres peut-être plus qu’ailleurs, est un périlleux exercice dont peu de cinéastes et de comédiens parviennent à sortir avec les honneurs. Généreuses dans le texte (Brice de Nice, Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre), elles se voient considérés comme de simples plaisirs adulescents, créatives dans leur univers ou porteuses d’une heureuse vision du monde (Les films d’Abel et Gordon ou d’Emmanuel Mouret) elles passent inaperçues en salle. Il faut alors que le talent soit doublé d’une conjoncture particulièrement favorable pour que les cinéastes s’osant encore au genre rencontrent succès d’estime et spectateurs.

C’est aujourd’hui le destin que l’on aimerait souhaiter à Pierre Salvadori qui nous livre En Liberté ! en cette grise fin d’octobre. Née sous une bonne étoile, sa bobine remporte le prix SACD de la dernière Quinzaine des réalisateurs, obligeant (par la présence d’Adèle Haenel, notamment) la critique parisienne à lever un œil qu’elle devra vouloir attentif. Grand bien lui en prendra, puisque Salvadori nous livre ici son film le plus baroque et le plus enlevé, histoire de gueules cassées par la vie qui se perdent en un chassé croisé policier et amoureux des plus délicieux.

Par delà ses personnages caractérisés avec un réel soin, ses comédiens enthousiastes et son intrigue en perpétuel mouvement, c’est bien essentiellement par sa façon de convoquer le rire que Pierre Salvadori achève ici d’emporter l’adhésion. Revenant aux origines de la comédie cinématographique, il développe des situations vectrices d’images drôles par elles-mêmes (Pio Marmaï coiffé d’un sac poubelle en guise de cagoule de gangster et dont la fumée de cigarette s’échappe par les déchirures) quand il ne prend pas le spectateur à contrepied de son émotion (amusant avec l’insistance d’Audrey Tautou à faire répéter son retour de prison à son compagnon pour entendre ses pas dans le gravier, avant que de ne contraindre à trouver le geste définitivement tendre) ou ne mêle pas les deux (faisant rire d’un masque BDSM à cornes avant que de le poétiser).

Ainsi, Pierre Salvadori semble-t-il ici offrir un film de rééducation au rire à un cinéma comique qui, pour séduire, semble depuis vingt ans contraint à le scléroser d’un cynisme terrible. Chez Salvadori, amoureux de la comédie plus que séducteur, le rire est sain, évident, cristallin, le plus souvent, et rabroué par l’émotion dès lors qu’il se fait moqueur, comme un rappel, comme une leçon, comme peut-être un maître le peut.

Note: ★★★★☆

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