​On reprochera énormément de choses au remake de Suspiria, chef-d’œuvre du grand Dario Argento, par la hype de l’année Luca Guadagnino (auteur aussi de Call Me By YourName, sorti chez nous en février). Il faudra toutefois louer le réalisateur et son scénariste pour leur volonté d’offrir un film  « neuf ». Neuf car ce Suspiria s’éloigne des habituels remakes qui pullulent à Hollywood et ailleurs en ne conservant uniquement que la trame principale de l’œuvre originale : une jeune américaine, Susie Bannion, se rend en Allemagne pour intégrer une école de danse aux mœurs étranges. Ce sera tout. A l’opposé de l’introduction en forme de climax de l’original, Guadagnino affirme ce qui sera le rythme de croisière de son film.

Soit une horreur en retenue et une imagerie froide pleine de grisaille, loin de tout baroque et délire formel, qui s’achemine vers un final sanguinolent et grotesque. Un anti-Suspiria en somme. De même que le traitement de la bande originale, par Thom Yorke, leader de Radiohead, était déjà un indice en soit. Délicat, mélancolique et plein d’inquiétante étrangeté, elle colle parfaitement à l’ambiance apathique du film, comme celle démoniaque et cauchemardesque des Goblin offrait un splendide decorum à l’original.

​Plus qu’à une véritable mise en scène, on assiste plutôt à une mise en ambiance. Et il faut dire que Luca Guadagnino est plutôt un maître en la matière. Après l’Italie des années 1980 de Call Me By Your Name, il nous emmène ici dans un Berlin de fin des années 1970, divisé (le mur fait d’ailleurs face à l’impressionnante école de danse en béton) et en proie à la violence et à la peur des attaques terroristes de la Fraction armée rouge. Attention, il ne s’agit pas d’un simple fard apposé au film, cette inscription historique aura son importance, au même titre que le spectre omniprésent de la Seconde Guerre mondiale.

En effet, Guadagnino brode dans son Suspiria un double récit. En parallèle de celui de l’héroïne, on découvre celui du Dr. Josef Klemperer, psychiatre qui va s’intéresser de près à l’étrange école et ses résidentes, mais aussi juif survivant de la Shoah toujours en attente de nouvelles de sa femme depuis la fin de la Guerre. En plus de se lier plus ou moins au destin de Susie, le récit de Josef a aussi comme point commun l’actrice Tilda Swinton, bien plus convaincante sous les traits de la sorcière/chorégraphe Madame Blanc que mal déguisée et mal maquillée en l’intéressé. Une sorte de tour de passe-passe qui hélas n’a rien à voir avec de la sorcellerie, et qui se révèle être aussi superficiel que le mélo que nous raconte Guadagnino avec ce personnage. C’est tout le film qui s’en trouve alourdit, et on n’est pas convaincu par ce désir de mêler la grande horreur de l’Histoire aux effets horrifiques du film.

Suspiria fait en fait partie de cette nouvelle vague de films d’horreur arty et un peu snob – cf. The Witch – qui ne sait comment aborder le genre. Parfois de haut, et hélas même de bas. Même si Guadagnino regarde en face, contrairement à Argento qui s’en servait comme d’un simple décor, l’art de la danse, et parvient même l’espace de quelques minutes à travers une chorégraphie monumentale à approcher le démoniaque, il tombe dans un grotesque gonflant lorsqu’il s’essaie à l’horreur pure dans la dernière demi-heure de Suspiria. D’autant plus que Ces 2h30 et ce découpage en 6 actes rendent le tout interminable et indigeste. Malgré son casting impeccable (on y croise même de grandes actrices de Fassbinder, malheureusement laissées aux rôles de silhouettes) et une reconstitution historique, le film de Guadagnino se prend les pieds dans sa trop lourde et inutile ambition. Plus proche du nanar que du chef d’œuvre.

Note: ★☆☆☆☆

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