S’il est une chose qu’on ne peut nier – à moins de faire preuve de beaucoup de mauvaise foi – c’est l’extraordinaire capacité de Joseph Kosinski à créer des univers de science fiction uniques et crédibles. Déjà avec Tron : l’héritage, il avait réussi le pari de réactualiser le monde virtuel du premier film de 1982 en jouant habilement avec les volumes en 3D, les notions de surface, de lignes, de géométrie, d’espace et de vide, concourant à proposer un spectacle totalement immersif pour le spectateur. Sa formation initiale d’architecte y est sans doute pour beaucoup et quand elle est mise au service d’un récit d’anticipation, cette compétence permet la mise en images d’environnements ultra détaillés et visuellement époustouflants.

C’est encore le cas avec son deuxième long métrage, Oblivion, dont le production design en met plein la vue. Le contexte post apocalyptique autorise à la fois les visions de décors dévastés à grande échelle et la minutie de la technologie du futur telle qu’on peut l’imaginer – le sky tower suspendu au dessus des nuages, le techoptère (bubble ship dans sa version originale), le mystérieux Tet, les drones -. Joseph Kosinski est très à l’aise quand il s’agit de faire la démonstration de ses qualités de formaliste maniaque quasi kubrickienne et son film est une beauté visuelle qui ne se dément à aucun moment.

C’est quand il s’agit de donner une vie à ces images que les choses se compliquent. Jospeh Kosinski échoue à produire un récit qui saurait s’éloigner des thématiques routinières de la science fiction et brasse une multitude de concepts déjà vus mille fois au cinéma ou dans la littérature. La banalité du propos vient s’échouer sur une ambition trop grande qui ne permet pas de s’accomplir dans le format d’un film de deux heures. Si Oblivion sait se montrer intriguant – notamment dans ses moments en creux – grâce à une structure inhabituelle qui échappe à la narration classique hollywoodienne, il est aussi souvent rattrapé par la pauvreté de son imaginaire qui marche dans les traces de références qu’il tente de raccrocher comme des wagons.

Le film convoque pèle-mêle La jetée et 2001 : l’odyssée de l’espace, Wall E et Le survivant, Brazil et Bienvenue à Gattaca, sans aucun souci de renouvellement. Non pas qu’Oblivion soit honteux, loin de là, mais il n’est pas un seul retournement de situation, une seule révélation dans le scénario que le spectateur n’anticipait pas dès le début. Joseph Kosinski, qu’on ne peut pas pour autant taxer de petit malin qui voudrait se jouer de son monde, ne peut pas s’empêcher d’accompagner le spectateur par la main pour ne pas le perdre à coup de flashbacks sur-signifiants.

Dans ce contexte, Tom Cruise fait du Tom Cruise, c’est-à-dire qu’il se dispense de tout effort de comédie en se reposant exclusivement sur un charisme basé sur le sourire en coin et la pause bodybuildée. Quant à Olga Kurylenko, qu’on avait appris à détester dans A la merveille de Terrence Malick, elle n’arbore alternativement que deux expressions pendant tout le film. En résumé, et pour filer la métaphore architecturale jusqu’au bout, disons qu’Oblivion est à l’image de ces photos de magazines de décoration : belles et lisses, mais dépourvues de vie, d’âme. Pour un film dont le titre fait référence à la mémoire, on se doute pourtant déjà qu’il ne laissera pas beaucoup de souvenirs.

Note: ★★½☆☆

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