Avant notre compte-rendu complet de l’édition 2013 de La route du Rock, nous avons rencontré Ludovic Renoult et François Floret, respectivement Président et Directeur de Rock Tympan – qui organise chaque année la Route du Rock – mais aussi Alban Coutoux programmateur du festival lors d’une conférence de presse « bilan » de cette 23ème édition. L’occasion de tirer quelques conclusions sur ces trois jours, d’envisager des perspectives d’évolution et de revenir également sur ce qui a moins bien marché.

La tendance de cette conférence de presse était à la satisfaction générale, partagée à la fois par les médias présents, les artistes et les organisateurs. Ces derniers n’étaient pas peu fiers d’annoncer que cette édition était un succès aussi bien d’un point de vue de la programmation, dont ils étaient singulièrement contents – et on les comprend – mais aussi par la fréquentation sur les trois jours qui a dépassé les objectifs en réunissant 21 500 festivaliers, en ne prenant en compte que les entrées payantes.

Oui, parce que pour le Route du Rock, dépasser les 20 000 entrées est en réalité une performance. On est bien loin des mastodontes comme Les Vieilles Charrues situées dans la même région ! Cela n’était pas arrivé depuis 2007. François Floret avait par ailleurs indiqué à la presse son intention de se faire tatouer La Route du Rock sur son avant-bras en cas de dépassement de cet objectif. Ce sera chose faite, a-t-il confirmé.

Alors, quelles sont les raisons de ce succès ? Comment ce résultat a vu le jour ? Comment expliquer ce regain d’intérêt ? Les organisateurs ont tenté de répondre à ces questions.

Tout d’abord, il faut avouer que l’équipe de direction du festival a su faire son autocritique par rapport à l’année dernière. L’édition 2012 avait été particulièrement douloureuse pour le festival, avec à peine 13 000 entrées. Une programmation sans doute trop ambitieuse et dépourvue de réelle tête d’affiche a failli provoquer la catastrophe. Sans doute trop d’artistes étiquetés 90’s, comme Mazzy Star, Mark Lanegan, Stephen Malkmus ou encore Spiritualized. Ces derniers sont bien évidemment très attirants sur le papier, mais sans doute moins pour un public jeune dont on sait qu’il sera souvent majoritaire en festival. A l’opposé, il y avait certainement trop peu de nouveaux groupes pour attirer un public curieux. Alt-J, Breton, Savages ou encore Cloud Nothing n’ont pas porté la programmation, pas plus que XX n’aura attiré davantage les foules malgré son statut de tête d’affiche.

Cette année, La Route du Rock a semble-t-il trouvé son alchimie parfaite, à savoir un mélange entre des grands groupes qui sont rassembleurs et attirent les foules et des découvertes qui feront pour certains d’entre eux les gros papiers dans les années à venir. Entre Nick Cave et Godspeed You! Black Emperor qui auront tous deux permis de faire venir beaucoup de monde et des groupes plus sautillants, comme Hot Chip, Tame Impala ou encore Disclosure, qui attirent davantage le jeune public, on ne peut que confirmer cette première explication d’un tel succès.

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Alban Coutoux explique comment se passe la programmation du festival, dont la temporalité est très importante. A l’heure ou l’économie pèse plus que jamais sur les petits événements et où la concurrence est de plus en plus rude, il est effectivement compliqué de tirer son épingle du jeu, toute la difficulté et le talent reposent donc sur la possibilité de pouvoir signer un artiste avant qu’il ne soit connu, ce qui permettra de payer un cachet moins élevé qu’au moment de la forte exposition au public. Cette année, la formule a fonctionné avec des groupes comme Disclosure, Bass Drum Of Death ou Tame Impala.

La Route du Rock a une très bonne réputation dans le milieu artistique. Certains artistes aujourd’hui majeurs, n’ont pas hésité à baisser leur cachet pour venir se produire au Fort de St Père – comme The National -, d’autres ont également souvent avoué que leurs meilleurs souvenirs de concert en France étaient ceux de La route du Rock. Franz Ferdinand en tête de liste.

Ce respect et cette fidélité, le festival les doit à ces prises de risque. Là où les grands festivals vont sans doute délaisser des artistes au profit d’autres plus attractifs en termes de public, La route du rock n’hésite pas à mettre en avant certains. The Soft Moon l’année dernière en était d’ailleurs le cas le plus flagrant, ce qui a bien failli causer la perte du festival. Cette année, Allah-Las, Jacco Gardner, Electric Electric ou encore Parquet Courts, ont été poussés vers l’avant. Et au regard de leurs prestations, il n’est pas dit que le succès ne soit pas au rendez-vous !

Selon Ludovic Renoult, il est plus intéressant pour des artistes et des maisons de disque de pouvoir se produire devant un public certes moins nombreux, mais dont on est sûr qu’il verra le concert, plutôt que les noyer dans une programmation trop importante et trop concurrentielle. Alban Coutoux explique aussi que, bien souvent, les artistes demandent à connaître la programmation complète du festival pour savoir s’ils y trouveront leur place.

Cette exigence de qualité et le respect de l’esprit originel du festival – la musique rock au sens large et la possibilité de voir tous les concerts – est sans doute très contraignante, mais c’est aussi l’assurance d’une programmation à part et très riche.

Une autre explication de la réussite de l’édition 2013 vient du fait que la Route du Rock a aussi concentré beaucoup d’efforts sur sa communication, la programmation ayant été révélée beaucoup plus tôt que d’habitude, ce qui a permis de mieux diffuser l’information et de finir d’en convaincre certains. Par ailleurs, François Floret explique pourquoi il ne veut pas d’un Tremplin à la Route du Rock, qui pourrait être l’opportunité à un groupe de moindre qualité de se produire à St Malo. Exigence quand tu nous tiens !

En résumé, autant d’éléments qui font que l’on peut aujourd’hui continuer de croire en une production de qualité dans le monde des festivals, sans céder aux sirènes du commercial à outrance ni tomber dans le penchant élitiste. Si le public malouin n’est sans doute pas le plus expressif, il n’en reste pas moins fêtard ! François Floret avouait avec un sourire en coin avoir le débit de bière par personne le plus important des festivals français. 1,3 litre de bière par personnes, soit 24 000 litres écoulés sur trois jours ! La moyenne par personnes sur les autres festivals quel que soit leur taille est de 0,8 litre. Sans vouloir tomber dans le cliché, il semblerait qu’on soit en Bretagne…

De quoi se réjouir, donc, même si l’idée de la deuxième scène, après deux années de tentative, est franchement une excellente initiative, malheureusement victime de son succès, qui n’a pas permis d’absorber tout le public désireux de voir la prestation énorme de Suuns ou les surprenants Allah-Las.

Crédit photos : Nicolas Joubard

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