La pochette de son dernier album donne le ton : noir et blanc de rigueur, coupe au bol façon années soixante, flingue tenu dans une pause de braqueuse très scénarisée… 101 est un disque rétro et ludique, où Keren Ann chante des histoires de gangsters comme Gainsbourg racontait celle de Bonnie & Clyde. On se trouve davantage sous l’influence de Jane Birkin ou Nancy Sinatra que de Joni Mitchell, le ton est beaucoup plus électrique, moins folk que les précédents opus de la Franco-Israélienne, faisant même la place à des sonorités électroniques (My name is trouble), mais toujours avec un luxe de production très cinématographique qui pourrait faire de 101 la bande originale d’un film noir américain.

La musique que diffusent les hauts parleurs du Bikini pour faire patienter les spectateurs avant le concert de Keren Ann prend d’ailleurs des airs comme sortis d’un vieux juke box bloqué sur une station de Nashville ou de Memphis. On y entend des titres qu’on jurerait sortis des Sun Studios, (Mystery Train), qui laissent la place à 101, l’un des plus beaux morceaux de l’album éponyme. Spontanément, on est déçu de ne l’entendre que sur bande, mais on prend très vite conscience que ce compte à rebours, outre qu’il n’aurait pas trouvé sa place ailleurs dans le set, est le moyen idéal pour entrer dans le concert : les lumières de la salle s’éteignent progressivement, le son monte au fur et à mesure, les musiciens s’installent sur scène dans l’obscurité la plus complète.

On s’en serait douté à l’écoute de l’album, les intentions sur cette tournée sont très explicites : rock et électrique. Il suffit d’observer le groupe qui accompagne la chanteuse pour s’en convaincre, parmi lequel on reconnaît des musiciens de la précédente tournée de Benjamin Biolay : Nicolas Fiszman à la basse et Marc Chourain aux claviers qui joue ponctuellement de ce curieux instrument, le théremine. Keren Ann, quant à elle, munie l’essentiel du temps d’une six cordes électrique, ne joue de la guitare folk que pour trois ballades, en milieu de set (You were on fire, Chelsea Burns sur lequel elle s’équipe également d’un harmonica, à la Dylan, et All the beautiful girls). Pour le reste, le tempo est beaucoup plus enlevé, que ce soit sur Sugar Mama ou Blood on my hands, tout en respectant l’élégance des arrangements de l’album.

Le répertoire choisi est exclusivement anglophone, hormis une reprise anthologique du Je fume pour oublier que tu bois d’Alain Bashung, enregistré pour le disque collectif Tels, mais dans une interprétation bien supérieure à sa version studio. Sur My name is trouble, la scène du Bikini se transforme en dance floor improvisé, Keren Ann se lançant dans une chorégraphie totalement décomplexée. Si elle parle très peu, son sourire en dit long sur le plaisir de jouer. Pour preuve ce deuxième rappel a capella pas prévu sur la set list, où la chanteuse s’essaye à cet exercice risqué et délicat, dans un silence quasi religieux. La messe est dite.

Note: ★★★★☆

Site officiel de Keren Ann

Keren Ann – 101,  dans les bacs

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