Après Territoires, sorti en 2011, Olivier Abbou signe un nouveau long-métrage aux allures d’home invasion inversé. Présenté en compétition internationale à l’Etrange festival 2019, Furie est également coécrit avec Aurélien Molas – scénariste d’Inexorable que mettra en scène Fabrice du Welz – avec qui Abbou à déjà travaillé sur la série Arte, Maroni, les fantômes du fleuve.

Furie possède ce postulat de départ qui séduit. Qui nous attire instinctivement car nous pouvons aisément nous projeter dans la tornade infernale que vont subir les protagonistes. Chloé et Paul prêtent leur maison à Sabrina, la baby-sitter de leur fils, durant leurs congés d’été. Le long métrage débute lorsqu’ils reviennent sous une pluie battante, déjà annonciatrice du chaos insoutenable qui semble se profiler. Serrures changées, portail qui refuse de s’ouvrir, messagerie téléphonique modifiée. Ils ont été bernés, condamnés à être spectateurs de cette mascarade à peine dissimulée. Sabrina et son mari revendiquent leur nouvelle propriété, c’est chez eux maintenant. Chloé et Paul sont devenus des indésirables, des intrus à leur propre demeure. Et la pluie continue toujours de s’abattre sur eux. De cette situation d’inquiétante étrangeté qui survient de façon aussi imprévisible que malsaine, nous ne pouvons nous empêcher de nous sentir concerné par sa problématique car nous sommes tous capable de nous imaginer la vivre. Nous avons tous déjà loué une maison de vacances, ou demandé à nos voisins de nourrir nos chats, confié nos clefs. D’ailleurs, un texte d’introduction nous informe que cette histoire s’inspire d’un fait divers français. L’intrigue est alors mise en place, et avec elle, la promesse d’un scenario original – qui déçoit, hélas. Les dialogues perdent vite en crédibilité et les intrigues s’essoufflent, victime d’un fil conducteur bien trop fébrile.

Afin de récupérer leur maison, le couple va se heurter à la réalité aberrante des administrations françaises. Ainsi se succèdent des procédures absurdes sans jamais qu’une solution décente ne soit trouvée. Les mois défilent et Chloé et Paul sont contraints de vivre dans un camping. Cette perte de propriété se mêlera à la perte d’identité de Paul, l’homme noir qui se sent blanc à l’intérieur. L’homme qui décide de se plier à la justice plutôt que de régler ses problèmes à coup de machettes. L’homme rangé, professeur exemplaire, qui s’accuse d’être devenu une victime. En lui, va alors naître une quête de sa virilité égarée. Une quête qui sera longue, bien trop longue et dans lequel le spectateur va se perdre à son tour. Si la frustration grandissante de Paul aurait pu être un moteur astucieux pour la montée en tension de Furie, elle ne parvient jamais à être suffisamment convaincante. Elle s’achève avant même d’avoir véritablement commencé. Le récit s’étire et devient indigeste, parasité par l’intrusion de nouveaux personnages qui voudront également s’emparer de la maison et qui seront le déclenchement d’un étalage de violence carnavalesque. On déplore l’avortement du désir de vengeance initial de Paul, nous laissant cruellement sur notre fin. On regrette également ce choix d’une violence trop caricaturale, là où le malaise réussi de la première partie de Furie, laissait présager une atmosphère plus angoissante avec une véritable envie de montrer la peur et l’effroi.

Malgré ces incompréhensions scénaristiques, Furie possède une esthétique subjuguante tant par sa maitrise que par sa beauté. Dès les premières secondes, le réalisateur nous offre un plan séquence parfaitement orchestré, qui n’est pas sans rappeler ceux de Funny Games de Michael Haneke. Nous retrouvons également les influences du Giallo, avec notamment l’utilisation des couleurs rougeâtres qui teintent agréablement la pellicule. Certaines séquences – à la limite de l’expérimentation – dénotent par leurs singularités, envoûtent nos iris.

Furie s’ancre dans la lignée maudite des films trop ambitieux, qui s’effondre à mi-parcours. Incapable de mener jusqu’au bout ses promesses initiales, le désenchantement opère progressivement et nous laisse un goût âcre et amer.

Note: ★★☆☆☆

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