Le Pitchfork Music Festival 2019 faisait peau neuve pour sa 9ème édition. Se déroulant toujours du jeudi au samedi soir dans la Grande Halle de la Villette, il intégrait désormais deux nouvelles scènes, plateformes dédiées aux artistes d’avant-garde. D’ailleurs, les 3 soirées du Festival étaient cette fois totalement centrées sur des styles précis : hip hop le jeudi, indie le vendredi, pop et art pop le samedi. C’est pour cette dernière soirée que nous nous sommes déplacés, pour un rendez-vous musical historique avec Charli XCX, The 1975, Caroline Polachek ou encore Sebastian.

La soirée commença en trompe l’œil avec un set classieux de Jessica Pratt naviguant dans les eaux profondes de la folk et de la country. On avait découvert la chanteuse avec son beau deuxième album On Your Own Love Again en 2015. La mue effectuée au début de l’année 2019 à travers Quiet Signs, comme un voyage onirique éveillé, se ressentait pendant l’intégralité du concert.

Hélas, il aura fallu quitter le show avant l’heure, direction la Nef, pour assister au live envoutant de Caroline Polachek. L’ex Chairlift venait présenter Pang, premier opus de la chanteuse sous son propre alias. Dans ce nouvel album, l’artiste prend son envol grâce aux productions chapeautées par Danny L Harle, membre éminent de PC Music, et elle-même, ainsi que des collaborateurs tels que A.G. Cook et Daniel Nigro. Son set laissa logiquement la part belle à Pang, et notamment ses meilleurs titres, de Ocean Tears à Door, en passant par Parachute et Hit Me Where It Hurts. Une performance ensorcelante, aux airs de Kate Bush, qui restera certainement comme la plus belle de la soirée.

En effet, le live suivant, celui de Charli XCX, fut légèrement décevant. La nouvelle prêtresse de la pop d’avant-garde cristallisait toutes nos attentes après nous avoir totalement médusés par ses nombreuses sorties depuis l’électrochoc Vroom Vroom en 2016. Son troisième opus, Charli, labellisé album pop de l’année sur ce site, était d’ailleurs composé de quelques uns des meilleurs tubes entendus en 2019. De quoi électriser tout un public. Malheureusement, on se demande encore si le Pitchfork Music Festival était le lieu à privilégier pour venir défendre un petit monument de la musique pop au sein de la capitale française. Entre la durée limitée du show (45 minutes) et un public pas forcément conquis, le concert manqua de cette symbiose caractéristique de la relation entre Charli XCX et ses « angels ». Restera l’honneur de voir Christine and the Queens rejoindre Charli sur l’immense Gone, ou encore le plaisir de danser sur des morceaux iconiques des années 2010 tels que Vroom Vroom,  I Dont Care ou encore Track 10.

Plutôt que d’attendre sagement The 1975, nous avons préféré jeter un œil au concert d’Oklou, espoir n°1 de la pop/r’n’b électronique française depuis plusieurs années déjà. Plutôt qu’un habituel set cachée derrière ses platines, la chanteuse surprit son audience avec des morceaux inédits la mettant particulièrement en avant, dont certains avaient d’ailleurs été composés dans les jours précédant le concert. Un concert fragile mais enchanteur, aux antipodes du show dévastateur de The 1975 que nous avons donc rejoint vers la fin. L’occasion d’entendre « Love If We Made It » ou encore I Like America & America Likes Me dans une prestation baroque et fédératrice. On comprenait mieux pourquoi le public de Charli XCX était si mou, ils attendaient en vérité le quintet britannique.

A l’inverse, le succès d’Agar Agar reste une énigme. Le duo français d’électro-pop n’en finit plus de percer depuis quelques années, au point d’avoir l’opportunité de succéder à The 1975 dans le planning du samedi soir. Pourtant, contrairement aux différents groupes et artistes qui les ont précédés, Agar Agar incarne une sorte de qualité française de la musique pop et électronique, à des années lumière du futurisme et de l’avant-garde célébré lors de cette soirée. Agar Agar n’est qu’une continuité sage du Daft Punk des 90’s et des fêtards d’Ed Banger Records, qui délivra un set soporifique mais qui aura au moins eu le mérite de contenter son public.

En parlant d’Ed Banger Records justement, c’est Sebastian, l’un de ses plus talentueux représentants qui enflamma la partie club de la soirée. Un set que nous avons toutefois écourté pour aller voir la prometteuse Kedr Livanskiy. Le nouvel espoir de l’électro russe avait sorti un superbe deuxième album dans le courant de l’année, Your Need, et offrit un live hypnotique et audacieux, à des encablures du set sur rails de 2 Many DJ’s, qui clôtura la soirée. Les chevronnés DJs belges délivrèrent une conclusion en demi-teinte à cette soirée avec un concert solide mais trop prévisible en comparaison du reste du line up.

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